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du rapporteur. Dans la matinée, le Président du Conseil avait eu à répondre, devant la Chambre, à de très intéressants discours de MM. Edouard Soulier, André Berthon, Marcel Habert et André Fribourg, et, dans une brillante improvisation, il avait exposé notre rôle traditionnel de la France en Syrie, défendu les crédits demandés par le général Gouraud, défini la position actuelle de la France en Orient, et renseigné, autant que possible, ses auditeurs sur les négociations engagées avec la Turquie.

La séance levée, M. Briand était allé, d’un pied léger, déjeuner avec M. Nicolas Murray Butler chez le Président du Sénat, et, rentré à la Chambre, vers quinze heures, il avait été questionné par M. André Lefèvre sur le désarmement de l’Allemagne et sur les événements de Haute-Silésie. M. André Lefèvre avait donné, une fois de plus, des détails d’une précision rigoureuse sur la mauvaise foi avec laquelle le Reich répond aux injonctions des Commissions de contrôle interalliées et il avait demandé avec grande raison que ces Commissions, dont l’œuvre ne peut être considérée comme terminée, ne fussent pas dissoutes ; il avait, d’autre part, clairement expliqué quelle effrayante force militaire donnerait à l’Allemagne la double possession de la Haute-Silésie et du bassin de la Ruhr. Le Président du Conseil est remonté à la tribune sans la moindre apparence de fatigue ; il a cherché à rassurer M. André Lefèvre en lui promettant que le général Nollet ne quitterait pas encore l’Allemagne et que le gouvernement français saurait défendre, en Haute-Silésie, le général Le Rond. Quelques instants plus tard, M. Léon Blum soutenait un amendement qui tendait à réduire de cent millions les crédits destinés à l’armée du Levant. Le Président du Conseil répliquait avec un talent infatigable et obtenait une majorité de 422 voix contre 110. Le soir, il était au Sénat et, entre onze heures et minuit, dans la discussion du traité de Trianon, il prononçait, sans dossier, sans documents, sans notes, un quatrième discours, qui était, à vrai dire, un chef-d’œuvre de finesse et de tact.

Il a commencé par déclarer qu’il n’était pas de ceux qui conservent contre la Hongrie des pensées de représailles, mais, tout de même, a-t-il dit, il y a eu la guerre, et lorsqu’on cherche à attirer notre commisération sur les Magyars qui perdent aujourd’hui leurs anciennes frontières, peut-être ferait-on mieux d’écouter les protestations des peuples si rudement opprimés pendant dix siècles. A l’heure où des Hongrois se battaient contre nous dans les Balkans et près de Saint-Mihiel, les Roumains de Transylvanie aspiraient à se délivrer