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Chronique 5 juillet 1921

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE [1]

Comme toujours, la session parlementaire s’est close dans la précipitation et dans la fièvre. Contributions directes, crédits supplémentaires, projets de loi urgents, tout a été voté en un clin d’œil. Le traité de Trianon lui-même a été entraîné dans ce vertige et la discussion, commencée au Luxembourg vers neuf heures du soir, s’est terminée avant minuit. Dans ce bref intervalle, les assez nombreux sénateurs qu’avait tentés cette dernière séance de nuit ont eu, d’ailleurs, le régal d’excellents discours, prononcés les uns par M. de Monzie et par M. de Lamarzelle, les autres par M. Aristide Briand et par M. Reynald. M. de Monzie, qui est un avocat de race, est encore plus à son aise, s’il est possible, à la tribune qu’à la barre. Il parle une langue élégante, alerte, riche de traits spirituels et d’expressions colorées ; son œil vif jette à l’auditoire, par-dessus un lorgnon fortement incrusté dans la peau du nez, de petits éclairs de malice et d’ironie ; une note sentimentale succède, par moments, à l’âpreté de la raillerie ; le ton général se rehausse, quand il le faut, d’un rapide effet oratoire ; le geste est sobre et réservé, bien que le buste se rejette, de temps en temps, en arrière et que les épaules viennent parfois s’appuyer au panneau du bureau présidentiel, comme pour prendre, à ce contact sacré, des forces nouvelles. M. de Monzie a été, comme on s’y attendait, extrêmement sévère pour les traités de Saint-Germain et de Trianon. Il n’a pas épargné, au passage, celui de Versailles, et si celui de Sèvres lui était tombé sous la main, il aurait, lui aussi, passé un mauvais quart d’heure. Mais, pour le moment, c’était surtout la cause de la Hongrie qu’il avait à cœur de défendre. Il trouvait ce pays trop sévèrement châtié et, pour prouver qu’on avait exagéré la part de responsabilité qu’a prise le comte Tisza dans

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1921.