millions. Le Roi le mit à la Bastille, où il mourut douze ans plus tard. On l’appelait le Fouquet de Bretagne. Et Mme de Sévigné avait eu, pour les deux Fouquets de son temps, les sentiments les meilleurs.
M. André Hallays parle de Mme de Sévigné comme d’une personne que l’on a longtemps pratiquée, avec qui l’on a fait amitié, que l’on perd de vue quelquefois et à qui l’on revient, content, sûr de retrouver la familiarité ancienne et sûr de trouver en sa compagnie de nouveaux agréments. Il nous introduit auprès d’elle avec de jolies précautions, où il y a de la coquetterie et de la déférence. Il nous présente à elle ; et la voici. Elle parle. Sa correspondance est une causerie. Écoutez-la. M. André Hallays nous fait écouter, pour ainsi dire, la correspondance de Mme de Sévigné. Il nous fait assister à ce merveilleux bavardage, d’une extraordinaire vivacité, d’une gaieté primesautière et d’une variété sans cesse imprévue. Après cela, il nous demande si nous sommes satisfaits... Or, les gens qui n’aiment pas La Fontaine, Mme de Sévigné renonce à les convaincre : « Cette porte leur est fermée ; et la mienne aussi ! » De tels esprits durs et farouches ne valent rien : « C’est un bâtiment qu’il faudrait reprendre par le pied. Il y aurait trop d’affaires à le vouloir réparer ; et il n’y a qu’à prier Dieu pour eux, car nulle puissance humaine n’est capable de les éclairer. » Pareillement, M. Hallays : « Prions Dieu, mes frères, pour les esprits durs et farouches qui n’entrent pas dans le charme et dans la facilité de Mme de Sévigné. Et fermons-leur notre porte. » A qui fermerons-nous notre porte ? Les gens qui n’aiment pas Mme de Sévigné ne sont pas de France, ne sont pas de « chez nous » , s’ils n’ont pas reconnu en elle « une payse » . Elle déroute les étrangers, parait-il : mais aussi la France les a toujours déroutés. Elle est de France d’une façon qu’elle prouve en chérissant « les plus parfaits emblèmes de son pays et de sa race : les rives de la Loire et de la Seine, les Essais de Montaigne, les fables de La Fontaine, les comédies de Molière, la gloire de Turenne, les splendeurs de Versailles et les vertus de Port-Royal » . Ces mots sont justes, sont beaux et arrangés à merveille.
Comment elle aimait ses amis, pour son amusement, et avec une fidélité à toute épreuve ; comment elle aimait ses enfants, et beaucoup plus sa fille que son fils, bien que Charles de Sévigné nous semble beaucoup plus aimable que Mme de Grignan : M. André Hallays étudie ces deux problèmes avec une exacte finesse. Puis il nous montre Mme de Sévigné à la Cour et dans les alentours du Roi :