Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

méfait ? Ce ne sont pas des barbares, dit-on, mais bien des hommes de progrès, afin de construire « des annexes de la Sorbonne et une sorte de casino de style monégasque. » Chez les Visitandines, Mme de Sévigne allait pleurer, quand elle avait beaucoup de chagrin, parce que sa fille venait de partir. Elle faisait, dans le jardin, de longues heures, des cinq heures de sanglots. Les Visitandines la recevaient avec amitié, en souvenir de sa grand-mère. Au moment des vêpres, les Visitandines se retiraient dans leur chapelle et y toléraient avec ingénuité une « méchante musique ; » elle, sans rien dire, s’égarait dans le jardin, pensait à sa fille, lui écrivait et « pensait mourir : » elle ne mourait pas et perdait peu à peu l’excès de sa tristesse dans le torrent de ses larmes. Elle allait le plus volontiers à Sainte-Marie-du-Faubourg le 29 janvier, qui est le jour de Saint François de Sales, fêté par les Visitandines, et qui est aussi le jour que Mme de Grignan s’était mariée : cette commémoration, pour Mme de Sévigné, primait sur toutes les autres, en dépit de sa grand’mère.

A trois lieues de Paris, entre le village de Livry-en-l’Aulnoye et le village de Clichy-sous-bois, il y a ou il y avait l’ancienne abbaye de Livry, « la jolie abbaye, » chère à Mme de Sévigné. M. André Hallays l’y a rencontrée encore. Elle y venait voir le Bien bon, cet abbé de Coulanges aux soins de qui elle devait « la paix et le repos de sa vie. » Elle eut, quand mourut ce bon homme, beaucoup de peine ; et elle écrivait en vérité : « Après avoir pleuré l’abbé, je pleure l’abbaye. » C’est à Livry qu’elle paraît avoir le mieux aimé la nature, en toutes saisons et à toute heure. En février, elle notait « un bruit des oiseaux qui commencent déjà d’annoncer le printemps. » Puis elle saluait « le triomphe du mois de mai » et se promenait « tout le soir toute seule, » attentive au rossignol. Elle écrivait à sa fille : « Tout est plein de ces aimables chèvrefeuilles ; » elle en préférait l’odeur à celle des orangers de Provence. Au mois de juillet, la tiédeur des nuits l’enchantait, et leur silence. Au mois d’août, le clair de lune lui donnait « un divin plaisir. » Viennent l’automne et bientôt l’hiver, il faut changer de plaisir ; les feuilles ne sont plus vertes, mais aurore, « et de tant de sortes d’aurore que cela compose un brocart d’or riche et magnifique que nous voulons trouver plus beau que du vert, quand ce ne serait que pour changer. » Elle adorait les « belles nuances » de l’automne et, l’automne venu, adorait l’automne. Pour aimer le printemps davantage, elle attendait que le printemps fût de retour.

Et l’on a dit, l’on a redit, que les gens du XVIIe siècle étaient peu