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L’Islam peut être envisagé comme une religion, comme un système politique, juridique, économique et comme une culture.

En tant que religion, il a gardé une grande partie de son empire. Ceux qui la professent lui restent profondément attachés et le plus grand nombre d’entre eux la pratiquent régulièrement, font les cinq prières quotidiennes, la première aux lueurs de l’aube et passent toutes les journées du mois de ramadan sans prendre presque aucun aliment ni aucune boisson. Le pèlerinage dont l’accomplissement est pourtant laissé à l’appréciation des fidèles, groupe chaque année autour de la Kaaba des centaines de milliers de musulmans venus de toutes les régions du monde au prix de grandes fatigues, de fortes dépenses et parfois au péril de leur vie. Nous avons vu que, même dans les pays dont le souverain en fait profession et où il reste religion d’Etat, le domaine de sa législation ne cesse de se rétrécir et se réduit, dans l’Afrique du Nord et dans les Indes, aux relations de famille et aux successions. Le droit musulman est pourtant, dans toutes ses parties, une belle construction édifiée avec une logique subtile sur un plan très original durant les trois premiers siècles de l’hégire. C’est alors que les jurisconsultes, jugeant sans doute parfaite l’œuvre des fondateurs des quatre écoles de jurisprudence et de leurs premiers continuateurs, ont renoncé à la remanier et à l’adapter aux besoins de leur temps, pour limiter leur rôle à dégager, par un commentaire fidèle, l’opinion des grands maîtres d’autrefois.

La culture musulmane, qui brilla d’un si vif éclat, est maintenant chose du passé. Les poètes, les prosateurs, les philosophes, les théologiens qui florissaient à Mossoul, à Bagdad, à Damas, au Caire, en Sicile, en Espagne et dans le Maghreb, n’ont pas eu, depuis très longtemps, de successeurs ; bien pis, il est peu d’hommes instruits en dehors des uléma qui soient capables de les apprécier et même de les comprendre. Trop nombreux sont ceux d’entre eux qui parlent et écrivent fort bien le français, se tiennent au courant de notre production littéraire et qui ignorent à peu près complètement l’arabe classique.

La décadence de l’architecture et des arts décoratifs a été beaucoup moins soudaine et complète. Des monuments récents, mosquées, écoles, palais, fontaines, conçus et exécutés par des