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lois organiques sur la propriété foncière, l’administration des provinces et de la capitale, la nationalité, la police, l’instruction publique, etc., le tout emprunté, souvent sans aucun changement, à la législation française. L’Egypte s’est également, entre 1850 et 1883, approprié avec quelques modifications les codes français qui y sont interprétés suivant la jurisprudence de nos tribunaux, non par les cadis, mais par des juges civils. Seul le droit de la famille y est resté musulman.

Le résultat de ces innovations a été de séculariser dans une large mesure l’Etat et de remplacer une grande partie de la législation issue du Coran et de la tradition par des dispositions toutes contraires, telles que celles qui réglementent et sanctionnent le prêt à intérêt en le rendant licite même pour les musulmans. Ce qu’il y a de plus remarquable dans ces réformes dont la mise en œuvre a pourtant été faite avec beaucoup de négligence par des hommes qui n’y étaient nullement préparés, c’est la facilité avec laquelle elles ont été acceptées et la faveur que leur application a rencontrée. De même le rétablissement en 1908 de la constitution ottomane, qui proclamait, entre autres choses, « l’égalité de tous devant la loi et devant l’impôt, » fut accueillie avec enthousiasme, même dans le milieu religieux.

Pendant que cette œuvre se poursuivait, les Puissances européennes organisaient les Indes, l’Algérie, la Malaisie, le Turkestan, par la même méthode de superposition de leurs institutions et de juxtaposition de leurs législations, sans rencontrer aucune difficulté.

En Turquie, la réforme produisit des résultats médiocres parce qu’elle y fut mal exécutée. En Egypte, son succès dépassa les espérances ; l’amélioration dont elle fut la cause apparaît avec une telle évidence que tous les Egyptiens s’applaudissent de l’avoir réalisée et parlent volontiers d’en généraliser les bienfaits, en achevant la sécularisation de leurs lois et de leurs juridictions [1]. L’exemple de ce pays si prospère et si civilisé, dont 95 pour 100 des habitants sont des musulmans, est la meilleure réponse que l’on puisse faire à ceux qui croient les peuples islamiques inaptes au progrès. Coptes et musulmans,

  1. P. Arminjon, Le Code civil et l’Egypte dans Le Code civil, livre du Centenaire, p. 735-765.