Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/666

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelles âmes. On peut même dire que bon nombre des musulmans actuels, dont le total varie entre 175 et 250 millions suivant les statistiques [1], sont de date récente.

Les missionnaires catholiques ont toujours adopté pour principe de conduite de limiter leur apostolat aux chrétiens schismatiques orientaux et aux païens, ce qui ne les empêche pas d’exercer, par leurs œuvres de bienfaisance et d’instruction, une influence très efficace et très heureuse sur les musulmans. Leurs concurrents protestants au contraire s’efforcent d’évangéliser ces derniers avec un insuccès dont témoignent les innombrables ouvrages, rapports et statistiques qu’ils publient sur leurs travaux. Si l’on met en regard, d’un côté, la liste interminable des missions anglaises, américaines, allemandes qui fonctionnent dans les pays islamiques et des œuvres de toutes sortes qu’elles entretiennent à grands frais [2] ; de l’autre, les quelques milliers de conversions plus ou moins sincères et durables que dénombrent leurs statistiques, on ne sait s’il faut admirer ou déplorer tant de travail, d’argent, de zèle et de dévouement perdus.

Les mêmes documents constatent le succès de la propagande musulmane en comparaison de laquelle celle des missionnaires donne des résultats bien modestes et parfois précaires.

L’Islam conquiert rapidement l’Afrique, « il s’y est annexé d’immenses régions qui avaient toujours vécu en dehors de son influence [3]. » En Abyssinie, il gagne du terrain tous les jours, grâce à la condition sociale supérieure des Arabes qui le professent et à l’enseignement qu’ils donnent dans leurs écoles.

Les Abyssins l’embrassent pour éviter les jeûnes rigoureux que leur clergé maintient sans rémission [4]. Dans le Bengale

  1. On trouvera ces statistiques dans les ouvrages suivants : The Statesman’s Yearbook, The Mohammedan World of to day. (Conférences faites au Caire sur le monde musulman), 1906, spécialement p. 281 à 295 ; Hartman, Der Islam, 1900, p. 179 à 183 ; S. Zwemer, Islam a challenge to faith, 2e éd., 1909, p. 156-167 et The desintegration of Islam, 1916, p. 113-118 ; Le Châtelier - Politique musulmane, 1910, et La Conquête du monde musulman, 1910 ; Montet : L’état présent et l’avenir de l’Islam, 1911, p. 5-9 ; Islam and missions, Reports of the Luchnow conferences, 1911, p. 11-21.
  2. On la trouvera dans La conquête du monde musulman, p. 267-325. Cf. L. Bonet-Maury. L’Islamisme et le christianisme en Afrique optimiste, p. 178-226.
  3. Wilson : Modern movements among Moslems, p. 103.
  4. K. Cederquist, Islam and Christianity in Abyssinia, the Meslem World, février 1912, p. 153-155 ; P. Marty, « L’Islam et l’Abyssinie, » Revue du Monde musulman, 1917-1918, p. 68. Sur les vicissitudes de l’Islamisme en Abyssinie jusqu’à ces dernières années, T. W. Arnold, The Preaching of Islam, 2e édition, p. 113-121.