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fatalisme, ses fidèles, qui descendent pour la plupart de races traditionalistes et fanatiques, ne se résigneraient jamais sincèrement à vivre sur le pied d’égalité avec les incroyants. Etroitement unis de cœur, quel que soit leur pays, par leur communauté de foi, de langage, d’aspiration, de haines, rapprochés par la pratique du pèlerinage et par les menées ténébreuses de leurs confréries aux ramifications multiples, ils forment, sans distinction d’origine ou de sujétion, une seule nation qui guette patiemment le moment favorable pour déclarer la guerre sainte, devoir sacré du croyant au même titre que le jeune, le pèlerinage ou l’aumône. Inutile dès lors de chercher à nous assimiler ces hommes, en les pénétrant de nos conceptions dont leurs croyances ne supportent pas le contact et en les appelant à partager nos droits civiques et politiques que leurs préjugés inébranlables et leurs institutions indestructibles les rendraient incapables d’exercer.

Maintenons-les donc hors d’état de nous nuire tout en nous efforçant d’améliorer leur situation matérielle et en respectant les institutions auxquelles ils sont si attachés ; comme tout ce qui a cessé d’évoluer, leur organisation finira bien, tôt ou tard, par mourir de décrépitude et, dégagés de ses entraves, les musulmans se mettront peu à peu à marcher à notre suite dans la voie du progrès.

Ces idées ont servi de matière à une littérature très abondante. Pour en faire justice, il suffit de les confronter avec les faits. Prétendre que le caractère révélé de la doctrine musulmane la défend contre tout changement et interdit aux sociétés dont elle forme le lien de s’adapter aux conditions variables et changeantes de la vie, c’est montrer qu’on ignore entièrement le passé et le présent de l’Islam et des civilisations qui en sont issues.


III. — L’EXPANSION DE L’ISLAM. — SES CAUSES

Observons tout d’abord cette religion dans l’espace. Elle ne cesse de s’étendre et de gagner des adeptes. Tandis qu’elle perdait son domaine territorial et que ses conquêtes lui étaient successivement enlevées, ceux de ses fidèles dont le pays passait sous la domination d’un Etat européen lui restaient inébranlablement attachés et elle conquérait sans relâche de