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volonté de Dieu. Ces caractères expliquent l’ancienne grandeur de la civilisation musulmane et leur affaiblissement est une des causes de son déclin.

Du fait que le credo musulman impose aux fidèles de se conformer à la législation et à l’ordre social qu’il prescrit, il résulte que la liberté d’action d’un Etat européen en possession de territoires occupés par des mahométans subit des restrictions et des tempéraments, faute desquels il risquerait de violer les consciences et de provoquer des résistances. Pour légiférer et administrer dans un tel pays, il doit tenir plus ou moins compte du droit islamique, il ne saurait toutefois s’abstenir de travailler au progrès de la population en la faisant bénéficier dans la plus large mesure possible de l’organisation et des institutions occidentales. De ces deux obligations contraires mais nullement inconciliables, le gouvernement français a suivi presque exclusivement la première avec un scrupule peut-être excessif. Nos sujets musulmans ont conservé leurs chefs et leurs cadis. En Algérie, dans certains territoires, dits de commandement, ils sont réglés exclusivement par le droit islamique ; ailleurs l’application leur en est faite par les cadis, pour ce qui a trait au mariage, aux rapports de famille, aux successions et même au régime des biens. On a longtemps tiré prétexte de ce statut spécial pour les exclure de la vie politique, les livrer au bon plaisir de l’administration sous un régime d’inquisition et de police draconien et arbitraire, qui n’est heureusement plus qu’un souvenir et même pour se dispenser de leur enseigner le français.

Les publicistes et les coloniaux qui se sont attachés à justifier cette politique n’ont pas donné seulement des raisons d’opportunité, ils ont développé des considérations tirées d’une vue superficielle et inexacte de l’islamisme. A les entendre, cette religion est immuable, impénétrable, irréductible dans sa rigide unité. Ses prescriptions précises, minutieuses, strictes, réfractaires à tout amendement, ne sauraient s’adapter aux exigences de la vie moderne dont elles contredisent les principes. On ne pourrait y toucher que pour les abroger. Comment tolérer la haine des incroyants, l’esclavage, la polygamie, la répudiation, l’interdiction du prêt à intérêt et tant d’autres règles dogmatiques tout aussi inadmissibles, imposées sans faculté d’ameublement ? Enchaînés par leur orgueil et leur