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hommes qu’elle relie font partie de la même communauté, non seulement juridique, mais politique, leur patrie commune c’est l’Islam. Et voici, dans ses grandes lignes, l’organisation politique qui en résulte.

Tous les Musulmans, sans distinction de race ni d’origine, forment une nation constituée par leur foi et par leur loi communes ; au-dessous d’eux et sur le même territoire, d’autres nations, soumises par la conquête, sont constituées elles aussi par un culte commun, dont les conquérants musulmans tolèrent l’exercice, elles jouissent de la plus large autonomie sous l’autorité de chefs religieux responsables du paiement de certains impôts exigibles de leurs ouailles ainsi que du maintien de l’ordre parmi elles. Pour gouverner l’Empire, un khalife, descendant et vicaire du Prophète, dispose du pouvoir public, sans autre limitation que celles tracées par la loi islamique dont il est le défenseur et le gardien. Des chefs, également musulmans délégués du khalife, révocables ad nutum, administrent les provinces. Enfin des étrangers, entendons par là des mécréants originaires de pays non soumis à l’Islam avec lesquels le khalife a conclu des traités qui autorisent leur établissement dans les limites de ses possessions, ont la faculté d’être jugés et administrés suivant leurs coutumes nationales par des magistrats à eux.

Une vérité et une loi d’institution divine par lesquelles toutes les actions sont réglées, une organisation sociale dont la raison et la fin sont de maintenir la profession de cette vérité et l’observation de cette loi, l’une et l’autre suffisamment accessibles pour pouvoir être dégagées sans le secours de prêtres investis d’une autorité surnaturelle, telle est la conception fondamentale de l’Islam, bien digne de respect et d’admiration par sa noble simplicité et par son élévation.

Ce n’est pas seulement cette intime fusion du spirituel et du temporel et la nature dogmatique du droit privé ou public qui distinguent la société islamique des autres sociétés extra-occidentales, c’est aussi l’autorité souveraine de la loi à laquelle le chef suprême de la communauté, ainsi que tous ses subordonnés, est étroitement soumis sans qu’il puisse s’en affranchir davantage que le dernier de ses sujets, c’est l’égalité de tous les croyants devant elle, c’est enfin le sentiment de fraternité qui les unit et que leur inspire la commune obéissance à la