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des fidèles, en un mot façonner et maintenir l’humanité conformément au plan divin.

Plus encore qu’une dogmatique, c’est une législation qui s’applique à tous les actes de la vie et dont les détenteurs de l’autorité publique ont pour devoir d’imposer l’observation en administrant et en gouvernant conformément à ses dispositions.

Cette religion ignore la liturgie et les sacrements. En fait de culte, elle ne connaît, officiellement tout au moins, que la réunion du vendredi qui ne comporte aucun office, mais seulement une sorte de sermon et une prière publique à peine plus solennelle que les prières privées quotidiennes. Les relations entre l’homme et Dieu prennent la forme d’ablutions, et d’oraisons faites suivant des paroles et des gestes minutieusement fixés, toutes manifestations extérieures qui ne requièrent l’intervention d’aucun ministre revêtu d’un pouvoir mystique. Elle n’a jamais conçu l’idée du prêtre, instrument du culte, sacrificateur, canal de la grâce divine, directeur spirituel des âmes.

Les muezzins sont chargés de convoquer a la prière, les imans ou cheikhs ont la garde des mosquées et des établissements pieux, les chefs de confréries (tourouk) jouissent d’une certaine autorité sur leurs confrères. Mais les fonctions toutes pratiques des uns et des autres ne leur confèrent aucun droit à la présidence de la prière, elle peut être assumée par n’importe quel fidèle majeur et suffisamment expérimenté. La circoncision, qui forme comme l’initiation islamique, peut être accomplie par n’importe quel barbier. Si des cadis ou d’autres fonctionnaires constatent le mariage, ils le font en leur qualité de témoins privilégiés, délégués par l’autorité civile.

En l’absence de tout sacerdoce, le dogme et la loi sont conservés et déclarés par les ulema, c’est-à-dire les savants qualifiés par leur connaissance des sciences religieuses pour être les gardiens et les interprètes de la tradition qui résulte de l’accord de grands docteurs. Dans les cas douteux, les fidèles s’adressent à eux et en obtiennent des solutions toujours appuyées sur le Coran, la tradition prophétique, et conformes aux enseignements d’une des quatre écoles juridiques orthodoxes. Dans le cadre rigide de cette doctrine, tous les rapports sociaux ont trouvé place : dispositions de droit privé, règles de procédure et de droit pénal, régime fiscal, droit public. Les