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pas la musique avant tout qu’il souhaita, selon sa devise, de « restaurer dans le Christ. » Peu de semaines s’écoulèrent entre l’avènement du Souverain Pontife et la promulgation du célèbre Motu proprio qu’il a défini lui-même « le code juridique de la musique sacrée. » Il s’en faut qu’après quelque vingt ans ce code ait acquis partout force de loi. Dura lex, ont déclaré trop d’indifférents, et de rebelles, sans ajouter sed lex et sans y obéir.

De ce commandement je connais les origines. J’ai dit naguère à quelle humble requête, avec quelle bienveillance et quelle promptitude il fut accordé. Je n’ignore pas non plus quelles en furent les suites et le peu d’efficace. Je n’y reviendrai pas. Il n’est pas de musiciens comme les musiciens d’église, ou de l’Eglise, pour avoir des oreilles et n’entendre point. A quelle voix céderaient-ils, quand celle-là même ne les a pas touchés ! Pour moi du moins elle reste la plus haute, la plus chère, et la dernière aussi, dont je veuille me rappeler aujourd’hui les paroles et les chants. Chantée ou parlée seulement, elle était musicale, cette voix. Sous les voûtes de Saint-Pierre, quelle force ou quelle suavité ne donnait-elle pas à l’intonation des grandes mélopées liturgiques, de la Préface ou du Pater ! Dans sa chapelle privée, lorsque le Pape disait la messe, une messe basse, et qu’il prononçait lentement la formule : « Pax vobis, » son accent, non moins que les mots, semblait faire descendre la paix de ses lèvres dans les cœurs. La musique profane elle-même ne lui était point étrangère. Pourvu qu’elle ne se mêlât point à l’autre pour la corrompre, il l’aimait. Mais c’est pour l’autre, pour la musique de l’Eglise, de son Eglise, qu’il souhaitait, qu’il réclamait le premier amour et les premiers honneurs. Autant il la voulait pieuse et vraiment sacrée, autant il la voulait belle. « Je veux que mon peuple prie sur de la beauté. » Magnifique parole, que j’ai recueillie de sa bouche, et souvent citée. Parole d’un pasteur, elle est aussi d’un artiste et d’un musicien. Voilà pourquoi, sans y rien ajouter, il me plaît de la rappeler une fois encore et d’imprimer par elle en quelque sorte le sceau d’une auguste mémoire au bas de ces modestes souvenirs.


CAMILLE BELLAIGUE.