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devant un horizon lui-même divin. Et ego... Par les beaux soirs de printemps, assis à la place où le créateur de l’oratorio se reposa, j’ai songé que le Cœlius, où j’étais, vit naître saint Grégoire et porte son église encore. A gauche, en me penchant un peu, j’entrevoyais les montagnes de Sabine, qui furent la patrie de Palestrina. En face de moi bleuissaient les collines albaines, d’où Carissimi descendit à son tour. C’est peut-être assez de grandes mémoires pour la rêverie d’un musicien et pour son étude, pour qu’il reconnaisse et qu’il honore dans Rome, autour de Rome, plus d’une origine et plus d’un sommet de son art.


Quelque endroit où toujours
Soient les nuits très sereines
Et lumineux les jours
…………
Un jardin, de l’espace
Calme, la douce odeur des pins sur la terrasse.


C’est une mélodie de Raoul Laparra. Elle chante la villa Médicis, « la Villa, » comme on dit là-bas, entre Français de Rome ou Romains de France. Là j’ai connu jadis, et tout de suite reconnu pour un musicien dramatique, le musicien, très jeune alors, de la Habanera.

Je le rencontrai d’abord chez un de ses camarades. On dînait gaiement dans l’atelier aux murs blancs de chaux, tendus çà et là de ces tapis de laine rude que tissent les paysans de la Sabine. Des bougies, des lanternes de papier éclairaient le repas. On parla de tout, même de musique. Le musicien venait de passer j’été dans une des îles de l’Archipel. Était-ce Naxos, ou Délos, le ne sais. Mais j’entends encore de poétiques récits : le premier abord de ces rives fameuses et l’accueil d’un vieillard saluant le jeune étranger par ces mots homériques : « Que font les rois ? Et y a-t-il encore des guerres ? » Puis c’était le travail parmi les ruines éclatantes, et l’écritoire, le papier à musique posé sur le tambour écroulé d’une colonne de marbre. Je me souviens aussi d’une partie de chasse, en mer, et d’une mouette blessée à mort et sanglante, que ses compagnes escortaient de leur vol, pour la pousser, la sauver peut-être avec le vent de leurs ailes.

De l’Italie autant que de la Grèce, je trouvais dans les propos de l’artiste, l’intelligence et l’amour. Ainsi j’espérais beaucoup