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Mais si j’ai insisté tout à l’heure sur le fait que nous avons là un engin de surprise, encore est-il nécessaire que je complète mes explications sur ce point en faisant remarquer les facilités que le tracé des œuvres mortes, — en surface, — du navire considéré donne à l’application de cet art du « camouflage » qui a pris, pendant la dernière guerre, une si grande extension.

Il faut dire d’abord que ce qui révèle, du plus loin, un navire à vapeur, c’est sa fumée. Si peu qu’il en émette, si bien que sa chauffe soit conduite, des guetteurs exercés en verront toujours assez pour annoncer sa présence, alors que le corps du bâtiment, — et même sa mâture, — ne sont pas encore hors de l’eau. Mais notre nouvelle unité n’a rien de semblable à craindre. Mue par des machines qui ne laissent s’échapper au dehors ni fumée, ni vapeur, elle ne pourra être décelée qu’au moment rigoureux où elle se profilera sur l’horizon.

Mais, là, elle bénéficiera de la forme de ses œuvres mortes, — à supposer qu’elle n’ait pas encore pris sa plongée, — et de l’absence de cheminée aussi bien que de mâture. L’avant et l’arrière se raccordant insensiblement avec le plan d’eau et la hauteur de la partie médiane du bâtiment ne dépassant guère quatre mètres, ce long fuseau peint en gris verdâtre assez clair, avec des couches de couleurs plus vives disposées en ondulations, afin de rompre la ligne générale de la coque, échappera longtemps à. l’exploration des meilleures lunettes.

Et il s’agit ici du plein jour. Sous la lumière indécise de l’aube et du crépuscule, l’invisibilité restera beaucoup plus longtemps acquise. La nuit, elle sera complète et peut-être, — cela dépendra du temps, — ne sera-t-il pas nécessaire, pour surprendre l’ennemi, de faire sous l’eau une partie de la marche d’approche.

Autre chose : si l’on veut bien me concéder ce que je viens d’exposer là, peut-être se réservera-t-on de m’opposer qu’en fin de compte et comme il n’est pas possible d’admettre que le « contact » se produise sans que l’assaillant ait été aperçu, au moins à quelques centaines de mètres, torpilles et projectiles partiront aussitôt à son adresse.

A son adresse, soit. Mais ce qu’on adresse n’atteint pas toujours. Le trouble d’une attaque soudaine, inattendue, la nuit, surtout, ne favorise guère d’exactes visées. Admettons toutefois quelques coups « au but. » S’agit-il de torpilles ? Outre que la