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Nous pouvons donc escompter de ce côté-là, encore, une économie de 1 à 2 pour 100 (le poids des vivres et, en quelque mesure, des approvisionnements généraux s’atténuant en même temps que celui du personnel embarqué), que nous attribuerons à l’éperon horizontal et, après, s’il y a lieu, à l’armement en artillerie.

L’éperon horizontal ! Voilà encore une conception qu’il faut que je défende d’avance, car on ne manquera pas d’y opposer force arguments... Arguments qui, je puis le prévoir, ne tiendront pas assez compte de la profonde différence de structure des deux types d’éperon et surtout de celle des deux modes d’utilisation, la mise en jeu de l’éperon horizontal ne ressemblant pas du tout à celle de l’éperon vertical.

Commençons par donner une idée du premier, que je comparerai, — grossièrement, — à l’extrémité d’une lame de glaive antique, très large, épaisse, mais relativement affilée, que l’on insérerait dans une étrave, elle-même un peu saillante, à laquelle ce couteau plat se raccorderait par deux fortes nervures, l’une supérieure, l’autre inférieure.

Le tranchant et la pointe, — celle-ci un peu émoussée, bien entendu, — de cet éperon, auraient leur saillie à 1 m. 50 ou 1 m. 80 environ, au-dessous de la flottaison, c’est-à-dire à une distance de la surface telle que le contact avec la coque du navire attaqué se produisît généralement au-dessous du can inférieur de la ceinture cuirassée du dreadnought

Je viens d’écrire : le contact ; c’est qu’en effet il ne s’agit plus ici de choc et d’attaque perpendiculaire, ou à peu près perpendiculaire. Le choc était dangereux pour l’éperon vertical, qui se faussait, — quand il ne se brisait pas, — ce qui entraînait de dangereuses déliaisons de l’avant de l’abordeur ; de sorte qu’on avait pu dire, avec quelque exagération, que ce mode d’attaque était aussi funeste à l’assaillant qu’à l’assailli.

Ajoutons que la manœuvre à exécuter pour obtenir le choc nécessaire, — ne fût-ce que pour rompre les plaques de cuirasse de flottaison, — était fort délicate, difficilement réalisable avec les vitesses des bâtiments modernes et que l’on s’exposait, sinon pendant la marche d’attaque, du moins après un coup manqué, à recevoir les torpilles de l’adversaire, sans parler d’une grêle de projectiles de tous calibres, atteignant quasi à coup sûr la haute superstructure du cuirassé assaillant.