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aurait certainement manqué les Allemands aux Malouines.

En serait-il de même aujourd’hui ? Probablement.

En sera-t-il de même demain et dans un prochain avenir ? Ce n’est plus aussi probable. Gardons-nous de juger de la capacité de rendement, de l’efficacité d’engins nouveaux sur ce qu’ils sont aujourd’hui. Méditons toujours le mot bien connu de Franklin sur les aérostats de 1784 : « l’enfant qui vient de naître... »

Quoi qu’il en soit et comme, après tout, nous ne pouvons pas fixer d’avance, avec exactitude, la marche du progrès, il convient de se demander s’il ne faudrait pas avoir quelques bâtiments d’un tonnage relativement élevé, susceptibles de rendre, grâce à leurs facultés de l’ordre stratégique, des services analogues à ceux que nos Alliés ont obtenus de l’escadre Sturdee, en 1914.

Et voilà un premier argument.

Le second ne repose pas, comme celui-ci, sur l’enseignement qui découle de faits de guerre précis et récents. Il s’agit plutôt d’une appréciation de l’ordre théorique et, en somme, d’un postulatum corollaire de celui dont il était question tout à l’heure.

Il faut, dit-on, « un gros » à la force navale en action et, de même qu’une armée à terre n’est complète et ne fournit un bon rendement que si elle a un « gros » d’infanterie autour duquel se groupent cavalerie, artillerie, appareils aériens, tanks ou chars d’assaut, etc. etc., de même on ne saurait concevoir une armée navale qui ne comprendrait que des croiseurs légers, des destroyers, des sous-marins, des dirigeables ou des hydravions, enfin des tanks de mer et des « glisseurs. »

Sans doute, on a le droit de faire des réserves sur ce genre de raisonnement qui ne procède que par affirmation et de se méfier d’arguments qui débutent par la formule chère à toutes les routines : « on ne saurait concevoir... » Rien ne prouve, au demeurant, que l’on ne puisse, un jour ou l’autre, constituer une armée sans « gens de pied » proprement dits, avec de la cavalerie seule — que l’on appellera, si l’on veut, infanterie montée — appuyée toujours, bien entendu, sur la troisième, la quatrième et la cinquième armes. Des armées de cavaliers, on en a déjà vu, dans les fastes de la guerre. Le bolchéviste Budieny vient encore de nous en montrer une et qui ne laissait pas d’être redoutable, pendant la ruée moscovite en Pologne.

Mais, en laissant de côté le point de vue purement tactique