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par exemple, de poursuivre l’achèvement d’ambitieux programmes où figurent des dreadnoughts de plus de 40 000 tonnes [1] ?

Ne nous en flattons pas. Outre que tout peut se discuter et que, si l’on en croit l’Écriture, Dieu a livré le monde aux disputes des hommes, il faut bien reconnaître que le pur raisonnement n’est pas le seul facteur des décisions des états-majors et des gouvernements au sujet de la constitution de la force navale. La « politique, » — intérieure et extérieure, — joue là un grand rôle. Les raisons qui font prendre à Washington, la détermination de consacrer, en très peu d’années, de trois à quatre milliards à la création d’une nouvelle flotte où des dreadnoughts, très fortement cuirassés par l’énorme firme de Bethléem, figurent pour le plus gros de la dépense, peuvent avoir des fondements de structure fort diverse. En tout cas, on déclare officiellement et sans le moindre embarras « que l’on veut avoir à bref délai une marine au moins égale à celle de la plus grande puissance navale du monde. »

Et ce franc aveu, dont « la plus grande puissance navale » en question s’accommode sans mot dire, explique suffisamment la résolution qui précède. Il est clair, en effet, que si les Etats-Unis veulent obtenir de grands résultats politiques dans un proche avenir, on n’a guère, chez eux, le temps d’entreprendre les études, les recherches, les expériences qu’exige le dessein de donner une orientation toute nouvelle à la constitution d’une force considérable. On va donc au plus pressé et on répète, — en les améliorant, sans aucun doute, mais aussi en augmentant toujours leurs dimensions, — les types actuellement existants.

A nous qui n’avons pas, pour bien des motifs, et qui d’ailleurs ne pouvons pas avoir, en raison de l’état de nos finances, les mêmes visées, il ne reste justement, si nous voulons conserver un établissement maritime qui réponde à peu près aux

  1. On étudie, paraît-il, à Washington, les plans d’un colossal mastodonte de 60 000 tonnes. On estime, en effet, qu’il faut ajouter 18 ou 20 000 tonnes de déplacement aux dreadnoughts de 40 à 42 000, actuellement en construction, pour les défendre efficacement contre les bombes des appareils aériens et contre les mines sous-marines.
    Et l’on voit bien par là « qu’il n’y a pas de raison pour que ça finisse, » si l’on peut dire, puisque la puissance et le nombre des engins offensifs ne cesseront pas de s’accroître.