Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/621

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs, ces aéronefs ne furent jamais « répétés » en assez grand nombre pour qu’on les pût risquer dans une opération qui aurait certainement entraîné des pertes, tout en offrant de grandes chances d’efficacité ; enfin et surtout qu’il se produisit, vers la fin de 1917, pour les appareils aériens de bombardement de nos ennemis, ce qui s’était produit pour les sous-marins, l’arrêt de la construction provoqué par les tenaces protestations de la Wilhelm’s strasse qui, trop tard sans doute, mais du moins beaucoup mieux que le cabinet impérial et le grand Etat-major, appréciait le mal que faisaient à la cause allemande les barbares procédés de guerre employés depuis le commencement de 1915 [1].

Soyons assurés que, dans un nouveau conflit, si, effectivement, on s’abstenait d’employer les dirigeables à bombarder des villes ouvertes, — et même cela est douteux, ayons le courage de le dire ! — du moins n’hésiterait-on pas à faire porter leurs coups, très légitimement, sur les groupes de bâtiments immobiles au mouillage ; de sorte que telle est, pour l’avenir, la fâcheuse situation du dreadnought de 30 000 à 40 000 tonnes : à la mer, en opérations, il se sentira menacé dans ses œuvres vives et ses œuvres mortes, dans la cible verticale et dans la cible horizontale, — toutes deux très étendues [2], — qu’il offre à ses adversaires, à la fois par la mine, par la torpille, par le canon, par la bombe aérienne ; et lorsque, ayant enfin échappé à ces pressants périls, il aspirera au repos, relatif (car il faut se réapprovisionner, se réparer, etc.), de la rade-abri, il lui restera l’appréhension trop justifiée des engins de surprise en surface, tanks de mer, glisseurs et autres, que l’on ne manquera pas d’imaginer, en tout cas des appareils aériens des deux types, agissant en nombre et méthodiquement, comme il convient quand on a l’avantage de savoir exactement où trouver l’objectif que l’on vise.

Y a-t-il dans ces considérations une « force probante » de nature à dissuader certaines Puissances, comme les États-Unis,

  1. Ce n’est point là, du reste, la seule cause de l’arrêt dont je viens de parler. A la lecture de l’ouvrage, si rempli d’enseignements et de renseignements, du général Ludendorf, on s’aperçoit que le G. E. M. avait dû, en 1917, puiser assez indiscrètement dans le réservoir des ouvriers des arsenaux et des établissements maritimes, de l’État ou privés.
  2. De 8 000 à 9 000 mètres carrés pour la cible horizontale, chez les plus nouvelles unités. C’est un chiffre qui fait réfléchir.