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Il fallut promptement en rabattre. Les mines apparurent partout, du moins dans les mers européennes, théâtres obligés des principales opérations ; et, partout aussi, peu à peu, près des côtes comme au large, les torpilles lancées avec une parfaite justesse, souvent de loin, par l’invisible sous-marin vinrent rappeler à qui l’avait trop oublié le terrible danger que font courir au plus puissant mastodonte les armes qui s’attaquent à son « œuvre vive, » la carène plongée.

On sait assez quel fut le résultat de ces constatations. Les grandes escadres s’enfermèrent dans des rades parfaitement défendues par des batteries, par des obstructions, par des filets. Encore l’une d’elles, l’escadre autrichienne, y fut-elle attaquée avec succès par un engin de surface tout nouveau, le « tank de mer » italien. Et s’il y eut, au milieu de la grande guerre, le 31 mai 1916, une « bataille de rencontre » entre Allemands et Anglais, ceux-ci durent se déclarer hors d’état de pousser leurs avantages dès que leurs adversaires, faisant retraite en fort bonne contenance, eurent pénétré dans leur camp retranché maritime du fond de la Deutscher bucht, que la renommée, avec une évidente exagération, prétendait sillonnée d’inextricables lignes de mines sous-marines.

Mais, tandis que les rades fortifiées et barrées restaient à peu près inviolables, — exception faite pour le « tank » marin, engin de surprise, avant tout, — pour les navires de plongée et de surface, l’étaient-elles pour les appareils aériens ? Certainement non. Comment donc se fait-il que les dirigeables allemands, qui allaient presque régulièrement bombarder Londres, n’aient pas sérieusement essayé de jeter leurs bombes sur la « Grand fleet » mouillée à Scapa Flow ?

On pourrait répondre : précisément parce qu’ils bombardaient Londres, et s’en prendre de cette préférence au défaut de psychologie en même temps qu’à la systématique et froide cruauté des chefs militaires allemands. Mais il convient d’ajouter que la distance à parcourir pour atteindre la grande rade des Orcades était beaucoup plus grande, — presque le triple, — et que c’était justement par l’insuffisance du rayon d’action militaire [1] que péchaient les Zeppelins, les Langs, etc.. ; que,

  1. Il ne faut pas oublier qu’une croisière militaire aérienne suppose l’impossibilité de se réapprovisionner en cours d’opérations et la nécessité de prévoir un supplément de combustible pour le cas où l’on serait « chassé » à l’atterrissage de retour et, donc, obligé de reprendre le large.