La table était carrée ; au milieu du côté qui faisait face au salon, étaient l’Empereur et l’amiral. Celui-ci était à la droite de Sa Majesté, qui avait à sa gauche Mme Bertrand ; Mme de Montholon était à la droite de l’amiral ; les autres personnes occupaient les autres places. Il est à observer que le milieu du côté de la table faisant face au salon était entre l’Empereur et l’amiral ; de cette sorte, il y avait égalité de place.
Quand les Anglais eurent fini leur dessert, ils allèrent prendre l’air sur le pont, et, avant que l’obscurité fût arrivée, on passa au salon, soit pour jouer, soit pour causer. L’Empereur se retira de bonne heure dans sa chambre. Cette première soirée fut le patron de toutes celles qui suivirent.
Il est bon de rapporter ici que l’Empereur, pour soustraire aux yeux des Anglais une partie de son petit trésor, avait fait donner, avant la visite, des ceintures contenant une certaine quantité d’or a ceux qui devaient le suivre. Celle qu’on me confia contenait au moins 25 000 francs en pièces d’Espagne. Lorsque l’Empereur fut installé dans sa cabine, chacun remit la ceinture qu’il avait reçue. Dans l’atlas de M. de Las Cases, à l’un des feuillets, l’Empereur avait collé une reconnaissance de M. Laffitte, d’une somme assez considérable.
Lorsque tout le monde se fut retiré du salon, j’installai mon lit, qui se composait d’un petit matelas de crin d’un pouce d’épaisseur, le long de la petite porte de la chambre ou cabine de l’Empereur, la tête adossée à la porte du salon. Marchand coucha dans la cabine même de Sa Majesté.
Le lendemain, 8, l’Empereur prit l’habitude de se lever vers les sept ou huit heures. Il se faisait servir à déjeuner dans sa chambre de neuf à dix heures. Il restait en robe de chambre ou en manches de chemise jusque sur les trois ou quatre heures, heure à laquelle il s’habillait. Alors il passait au salon où il jouait une partie d’échecs avec un de ses généraux, jusqu’à ce que l’amiral vînt le prévenir que le dîner était servi.
Dans le courant de la matinée, il faisait appeler un de ces messieurs pour faire la conversation et connaître les nouvelles du bord. La plupart du temps, il s’amusait à lire. Presque tout le temps, il était assis dans son fauteuil.
Du 22 au 26 août. Le 22 nous arrivâmes devant Madère. Le vent était excessif, les chaleurs très fortes et la mer grosse. Ces quatre jours nous les passâmes à louvoyer, à courir des bordées