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en découler, il trouvait bon de se ménager. Aussi, je crois bien que lorsque l’Empereur prit le parti d’aller s’installer à l’ile d’Aix, le capitaine Philibert dut s’écrier : « Ah ! maintenant, je puis respirer à mon aise ! » Du reste, le bâtiment était des plus mal tenus ; il se ressentait de la négligence de son chef.

La dunette était partagée en deux parties, séparées par une toile ; la plus grande servait de chambre à coucher à l’Empereur, et la plus petite était un réduit où se retirait le général Becker. Je me suis aperçu, là seulement, qu’on ne disait pas toute sa pensée, le général ayant des oreilles pour entendre et une langue pour parler. Il était l’agent du gouvernement provisoire et en particulier de Fouché.

Le 12 juillet, l’Empereur quitta la Saale et alla s’installer à l’ile d’Aix.

Dans la journée du 13 ou du 14, l’Empereur semblait décidé à s’embarquer à bord d’un chasse-marée commandé par le capitaine Besson. Il m’avait donné l’ordre de mettre toutes ses armes en état ; elles consistaient en plusieurs paires de pistolets, et quatre fusils de chasse, dont un double à crosse tournante. Ce fut dans la soirée que les matelots du navire vinrent les chercher, ainsi que les munitions qui y étaient propres ; ils emportèrent également des objets à l’usage de l’Empereur et des effets en linge, habits, etc., pour les besoins du voyage. Ces matelots, qui étaient au nombre de trois, étaient Anglais ; ils étaient accompagnés de M. Besson.

Les personnes qui devaient s’embarquer avec Sa Majesté, pour passer en Amérique, étaient le duc de Rovigo, le grand-maréchal et le général Lallemand. J’avais été choisi pour suivre l’Empereur, comme étant celui qui se soutenait le mieux contre le mal de mer et la fatigue. Tout était préparé ; j’attendais, tout équipé, l’ordre pour le départ, lorsque, vers minuit, j’appris que, dans un conseil de famille et après mûre délibération, il avait été décidé que l’Empereur se rendrait aux Anglais.

Le 15 juillet, de bonne heure, le brick l’Épervier appareilla ; et, vers cinq ou six heures, peut-être un peu plus tard, de l’île d’Aix, l’Empereur se rendit à son bord avec ses principaux officiers, et on fit voile pour aller du côté où était mouillé le vaisseau anglais. Il y avait déjà quelque temps que nous voguions, lorsqu’on aperçut un canot qui venait à notre rencontre. C’était un