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et Marchand auprès de lui. Les voitures de service étaient arrivées pendant la nuit.

Toute la journée s’est très bien passée. Après le diner, l’Empereur fit salon. Dans la soirée, la ville retentit de « Vive l’Empereur ! Vive Napoléon ! » C’était presque la soirée d’un jour de fête.

Le lendemain, 3 juillet, vers les quatre heures et demie du matin, l’Empereur, reposé par une bonne nuit, se mit de nouveau en route avec ses mêmes compagnons, se dirigeant sur Rochefort. Un piquet de vingt-cinq chasseurs, commandé par un officier, l’escorta jusqu’à une assez grande distance. Arrivés à l’endroit où devait se terminer leur course, l’Empereur fit arrêter la voiture, remercia l’officier et fit donner quelques napoléons aux soldats. En les saluant, il me fit signe de dire au postillon de marcher. Nous arrivâmes d’assez bonne heure à Rochefort. L’Empereur descendit à l’hôtel du préfet maritime et s’y installa. Tout ce qui me reste de Rochefort dans la mémoire, c’est que l’hôtel du préfet maritime est précédé d’une longue cour plantée d’arbres dans laquelle circulaient les forçats traînant le boulet, employés au service de l’hôtel. Et je me rappelle que toutes les nuits nous entendions les factionnaires crier : Sentinelles, prenez garde à vous !


IV. — L’EMPEREUR SE REND AUX ANGLAIS

Toutes les personnes de la suite de l’Empereur qui étaient parties de la Malmaison se trouvèrent réunies à Rochefort. Souvent le prince Joseph venait chez l’Empereur. Je vis le général Lallemant, que je ne connaissais pas et que je ne savais pas faire partie de la suite de Sa Majesté. Chaque matin, pendant noire séjour, le préfet maritime venait rendre compte à l’Empereur de l’état de la mer et de ce que l’on y avait aperçu.

Le 8 juillet, dans l’après-midi, l’Empereur quitta Rochefort et alla coucher à bord de la frégate la Saale. Ce jour-là, Noverraz était de service. Quand l’Empereur fut parti, on me donna un canot à voile et j’allai le rejoindre.

L’Empereur était très mal à bord de la frégate. L’opinion des officiers ne paraissait pas favorable à sa cause ; le capitaine était loin d’être satisfait de voir à son bord la grande infortune qui était venue s’y réfugier. Connaissant les événements qui venaient de se passer et prévoyant toutes les suites qui pourraient