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le fermier tournait la tête du côté de celui qui piquait tant sa curiosité et l’examinait encore plus attentivement. Je ne doute pas qu’il n’eût reconnu l’Empereur. La côte montée, les voyageurs se remirent en voiture et nous reprîmes notre train.

Il était nuit lorsque nous entrâmes dans Niort. L’Empereur fit arrêter devant la porte d’une auberge située à droite et descendit de sa voiture. Cette auberge était de mince apparence. Le maître ou la maîtresse de maison fit monter les voyageurs dans une chambre haute que l’Empereur retint. C’était une pièce assez grande à un lit. Sur le même palier, se trouvaient d’autres chambres, dont ces messieurs prirent possession, et dans l’une desquelles on mit le couvert pour le souper, lequel ne tarda pas à être servi. L’Empereur resta assez longtemps à table. Il était tard quand il revint dans sa chambre. Il se fit déshabiller et se coucha. Il ne put reposer tranquillement, étant importuné par le caquet des gens de l’auberge, qui étaient réunis dans la cuisine, dont la chambre de l’Empereur n’était séparée que par un plancher de simples planches supportées par des solives. Ce ne fut qu’à une heure assez avancée que je n’entendis plus rien. Tout était dans le silence le plus complet, quand un incident vint troubler notre repos. J’étais couché dans la chambre, sur un matelas que j’avais mis en travers de la porte. J’étais là paisiblement les yeux fermés, mais les oreilles ouvertes, lorsque j’entendis un bruit d’hommes ayant des bottes qui montaient l’escalier. Ces individus, arrivés au palier, vinrent frapper à la porte derrière laquelle j’étais et cherchèrent même à ouvrir en mettant la main sur le loquet. Je me levai aussitôt et, entr’ouvrant la porte, je leur demandai ce qu’ils voulaient. C’étaient deux officiers de gendarmerie, qui demandaient le duc de Rovigo. Après leur avoir montré où était la chambre du duc et avoir refermé la porte, l’Empereur, qui s’éveilla dans ce moment, me demanda ce qu’il y avait. Je lui rendis compte de ce qui venait de se passer.

Le matin (2 juillet), d’assez bonne heure, l’Empereur se fit habiller. Le préfet, qui avait appris qu’il était dans une auberge de la ville, lui envoya sa voiture. Il y monta et se rendit à la préfecture. Je ne pus l’y suivre immédiatement ; mais dès que j’eus réuni les différents effets et après les avoir mis dans la calèche à laquelle je fis atteler des chevaux, je me rendis à l’hôtel. Je trouvai l’Empereur couché dans la chambre du préfet