bourg ou petite ville à huit ou dix lieues avant d’arriver à Tours. Au vrai, je ne sais si ce fut dans l’une de ces deux villes ou dans une autre, mais c’était un relais. Je me rappelle que l’auberge où descendit Sa Majesté était située à droite dans une rue assez étroite, qui était la principale de l’endroit. Il pouvait être neuf heures ; il faisait déjà nuit. La maîtresse de la maison conduisit les voyageurs dans une petite chambre haute où ils s’installèrent. Ils attendaient qu’on leur servit à diner, lorsque des agents de police vinrent demander à voir les passeports. Un des généraux, le duc de Rovigo, je crois, sortit de la chambre et les exhiba ; mais les passeports n’étant pas faits dans une forme très régulière, il y eut une assez longue discussion, qui cependant se termina après quelques explications. Les agents satisfaits s’étant retirés, le duc rentra, on servit les mets et les voyageurs se mirent à manger. Quand l’Empereur eut dîné et se fut un peu reposé, il descendit de la chambre avec ses compagnons pour remonter en voiture. La cuisine de l’auberge où il fallait qu’il passât était pleine de monde ; à son aspect chacun se rangea et fit place pour lui faire passage, et à peine fut-il en voiture que des cris de : « Vive l’Empereur ! » partirent et des gens qui étaient dans l’intérieur de l’auberge et des groupes qui s’étaient formés dans la rue. Qui est-ce qui avait fait connaître la présence de l’Empereur ? Peut-être les agents de police eux-mêmes, peut-être quelques anciens militaires. J’aperçus des lampions à quelques fenêtres.
Entre cet endroit et Tours, il y a des bois qui bordent la route ; nous roulions sans aucun autre bruit que celui de la voiture sur le pavé, lorsque, à mi-chemin, j’entendis un galop lointain de chevaux qui s’approchait de plus en plus. J’en prévins l’Empereur. Peu après, je vis deux gendarmes qui s’approchèrent de la portière, et demandèrent, fort poliment, si nous avions vu ou entendu quelque chose ; ils nous firent connaître que dans ces parages il y avait des bandits qui arrêtaient et détroussaient les voyageurs. Sur la réponse qu’il ne nous était rien arrivé et que nous n’avions rien vu, ils se retirèrent en nous saluant et nous souhaitant bon voyage.
Nous arrivâmes à Tours, dans le milieu de la nuit, à la poste. Celle-ci est à gauche sur la route de Blois ; l’Empereur envoya le duc de Rovigo chez le Préfet. Les chevaux attelés, nous passâmes le pont. À un bureau, qui était à la première maison