Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/598

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pavée qui longe le grand Trianon et passe en dehors de la grille royale. Arrivés à Coignières et arrêtés devant la poste, nous fûmes surpris de ne pas trouver les chevaux prêts. « Où est Amaudru ? me demanda l’Empereur. — Sire, je ne sais, lui répondis-je ; je ne le vois pas. » Aussitôt je descendis du siège et j’allai trouver le maître de poste pour savoir si un courrier ne nous avait pas précédés. Sa réponse fut négative. Immédiatement les postillons se mirent en devoir de garnir les quatre chevaux qui nous étaient nécessaires. Après avoir attendu un quart d’heure environ, nous continuâmes notre chemin. On pensa qu’au lieu d’aller à Coignières, Amaudru était allé à Versailles où probablement il se trouvait avoir besoin d’aller, mais qu’au relais suivant on le reverrait.

L’Empereur, pour ne pas laisser soupçonner qui il était, avait cru ne devoir payer les postillons que comme fait un bon particulier ; mais ceux qui venaient de le conduire le connaissaient trop bien pour s’en laisser imposer, et il est présumable qu’à chaque relais, les premiers surtout, les postillons n’ont pas manqué de faire connaître à ceux qui leur succédaient la personne principale qui était dans la voiture.

Arrivé à la grille du parc de Rambouillet, l’Empereur la fit ouvrir et nous allâmes au château. Le soleil était disparu de l’horizon. Le portier ou un garçon du château ouvrit la grille de la cour et ensuite s’empressa d’aller ouvrir les portes des appartements. L’Empereur, qui paraissait indisposé, se dirigea vers sa chambre à coucher et me dit de lui faire son lit. Ne connaissant pas les êtres de la chambre, n’y étant jamais entré, j’allais me trouver fort embarrassé, lorsque Hébert, concierge, qui avait été valet de chambre d’intérieur, vint fort heureusement à mon aide et me donna tout ce dont j’avais besoin. Nous fîmes le lit et l’Empereur se coucha immédiatement. Je crois que la femme de Hébert lui fit une tasse de thé. Toute la nuit, il fut agité. Les diverses positions dans lesquelles il s’était trouvé depuis la soirée du 18 juin, celle où il se trouvait, et celles, enveloppées de ténèbres, qu’il allait encore avoir à subir, devaient être l’objet de toutes ses pensées, de toutes ses réflexions. Il paraissait profondément accablé. Avec le jour, le calme revint. Se trouvant mieux, il se fit habiller et prit un potage qu’on lui avait préparé.

La veille, en déshabillant l’Empereur, je me suis aperçu