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présents au départ, avait ordonné de faire avancer au perron principal du château la diligence dans laquelle il était censé devoir monter ; mais cette précaution fut inutile ; il ne pouvait échapper entièrement aux yeux des spectateurs, qui tous le connaissaient trop bien et étaient trop avides de le voir une dernière fois, pour s’en laisser imposer par les apparences.

Avant de mettre le pied dans la voiture, l’Empereur jeta rapidement un dernier regard autour de lui, comme pour faire ses adieux à un lieu qui avait été pour ainsi dire le berceau de sa puissance et où chacun de ses pas a laissé un souvenir.

L’Empereur et ses compagnons étaient en habits bourgeois et chapeaux ronds sur la tête. Dès qu’ils furent installés dans la voiture, celle-ci, attelée de quatre chevaux de poste conduits par deux postillons, sortit de la Malmaison, tourna à gauche et alla prendre la route de communication qui passe derrière le parc et aboutit à Versailles.

En même temps que la voiture de l’Empereur partait, le général Gourgaud, MM. de Las Cases père et fils, M. et Mme de Montholon etc., montaient dans celles qui étaient rangées dans la cour d’honneur. A ce moment, le poste qui était composé de chasseurs de la vieille garde prenait les armes et battait aux champs. De leur côté, les personnes de service montaient aussi dans les voitures qui leur avaient été désignées. Plusieurs de ces voitures avaient reçu l’ordre de suivre l’Empereur, mais de rester assez en arrière pour ne pas faire convoi avec la sienne. Quant à toutes les autres, y compris celle du général Gourgaud, de MM. Las Cases, etc., elles devaient quitter la route que devait tenir Sa Majesté et se diriger sur Orléans et Tours.

En sortant de la Malmaison et ayant gagné la route de communication, on eut à monter une côte assez rapide et assez longue. On allait au pas. Amaudru, qui faisait le service de courrier, était près de la voiture. L’Empereur, remarquant qu’il avait un couteau de chasse à tête d’aigle, et pensant que ce signe pouvait le faire reconnaître, me chargea de lui dire de le déposer dans la voiture. Amaudru, mécontent de ma demande, montra de l’humeur en me donnant le couteau. Dès que nous eûmes atteint le haut de la côte, il nous laissa et prit les devants comme pour faire préparer les relais.

Pour gagner Saint-Cyr, nous entrâmes dans le grand parc de Versailles par la porte Saint-Antoine, et nous primes la route