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que celle de Marchand qui contenait les effets de l’Empereur.

Dans la voiture de l’Empereur, il y avait une épée qui y fut oubliée par Archambault ; elle était en tout semblable à celle que Sa Majesté avait à son côté, excepté que sur cette dernière est écrit, sur la face la plus large de la lame, ces mots en or incrusté : Épée que portait l’Empereur à la bataille d’Austerlitz. Je n’ai pas entendu parler de cette épée prise dans la voiture. Qu’est-elle devenue ? Il me semble avoir lu quelque part qu’elle était tombée entre les mains du duc de Wellington. Il est plus probable que quelque soldat prussien s’en sera emparé, aura brisé la lame et n’aura conservé que la poignée, comme étant pour lui d’une valeur réelle. Cette poignée était d’or ainsi que les garnitures du fourreau.

Pour en revenir à Horn, ce malheureux, dans la bagarre, eut un bras emporté par un boulet. Le lendemain, Blücher, parcourant le champ de bataille avec quelques-uns de ses officiers, s’arrêta devant Horn qui était assis sur une pierre et lui demanda qui il était. Le postillon lui répondit en allemand qu’il était de la Maison de l’Empereur, et que c’était lui qui conduisait la voiture de Sa Majesté. Blücher, qui était un homme très violent, très emporté, et le cœur plein de haine et de vengeance contre celui à qui il avait eu à faire dans la journée du 16, accabla le malheureux d’injures, et eut la méchanceté, la barbarie, on peut dire, sur quelques mots que lui répondit Horn, de lui donner un soufflet. Si le maréchal avait été un tout autre homme, ne devait-il pas faire panser la blessure du pauvre diable de serviteur et lui donner quelque argent, plutôt que de le maltraiter aussi indignement qu’il venait de le faire ? Plus tard, la voiture ayant été achetée par un Anglais, Horn devint le descripteur de cette voiture qui fut montrée aux curieux.

Dans la longue colonne de soldats de toutes les armes, de tous les corps, de tous les régiments qui battaient en retraite, marchant pêle-mêle, chacun allant pour son compte, le très petit groupe dont l’Empereur était le noyau, marchait avec tout le monde, se dirigeant sur Philippeville. La nuit était une nuit d’été sans lune ; on voyait, mais on ne pouvait distinguer ; sur la route, çà et là, étaient des feux de bivouac où se reposaient des hommes fatigués et mourant de faim. Tranquillement et silencieusement, on cheminait au pas des chevaux.