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Il était nuit ou à peu près, lorsque l’Empereur atteignit la ferme du Caillou ; il y installa son quartier général. Son logement n’étant pas prêt, on fit un feu de bivouac près des bâtiments « ceux-ci étaient à droite de la route) et là, couché sur une botte de paille, il attendit que sa chambre fût mise en état de le recevoir. Quand il eut pris possession du petit taudis où il devait passer la nuit, il fît tirer ses bottes qu’on eut de la peine à lui arracher, ayant été mouillées toute la journée, et, déshabillé, il se mit au lit où il dîna. La nuit, il dormit peu, étant dérangé à tout moment par les allants et venants : l’un venait lui rendre compte d’une mission, l’autre recevoir des ordres, etc.

Le lendemain, 18, l’Empereur se leva d’assez bonne heure. Il déjeuna en compagnie du Grand-Maréchal, du duc de Dalmatie et de quelques autres personnes, et ensuite monta à cheval, suivi du major général, le duc de Dalmatie, du Grand-Maréchal, du général Fouler et de toute sa suite. Il se porta aux avant-postes pour reconnaître et examiner les positions occupées par l’armée ennemie et dicta l’ordre de bataille.

Quand tous les corps eurent opéré leurs mouvements, il parcourut l’es rangs où il fut accueilli avec enthousiasme ; après quoi il vint s’établir sur une hauteur en arrière de Rossomme. L’action commença au parc d’Hougoumont. Cet endroit étant peu éloigné et assez élevé, on put voir assez facilement l’attaque et la défense. Ce fut avec beaucoup de peine que l’on parvint à en déloger l’ennemi. Les autres parties de la ligne de bataille étant éloignées ou cachées par les inégalités du sol, on ne pouvait bien voir à l’œil nu les divers mouvements qui s’opéraient. Une bonne partie de la journée s’était écoulée et ce n’était que fort lentement que l’on avait gagné quelque terrain. Dans l’après-midi, le corps prussien du général Bülow, qu’on avait pris d’abord pour celui du maréchal Grouchy, commença à faire quelques progrès et à donner des chances de succès à l’ennemi. Il était, je crois, trois à quatre heures. Au moment où les premiers boulets prussiens arrivaient sur notre droite, je fus envoyé à la ferme du Caillou, pour dire à Pierron, maître d’hôtel, d’apporter une petite cantine, l’Empereur et quelques personnes de sa suite ayant besoin de prendre quelque nourriture. En allant, quelques boulets seulement traversaient la chaussée, mais, en revenant, il en arrivait une assez grande quantité.