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femme renonce aux joies... des autres. On ne peut pas tout avoir. » Et ce langage, très évidemment approuvé par l’auteur, nous conduit assez près des convictions jadis condamnées par lui chez MM. de Vardes ou d’Athol.

Mais continuons d’écouter avec intérêt la profession de foi de cet époux offensé : « Est-ce qu’il s’agit d’ailleurs de vous condamner à une vie d’austères devoirs où votre cœur n’ait rien à entendre et rien à dire, de vous résigner à vivre sans aimer, sans être aimée ? Quoi, un homme vous choisit entre toutes pour vous confier son nom, son foyer, son honneur ! Il vous livre sa destinée ; c’est par vous seule qu’il veut être à jamais heureux ou misérable, honoré ou flétri. Toutes les choses de son cœur, de son intelligence, les secrets de sa pensée, son courage, ses défaillances tout vous appartient si vous le voulez. Ce qu’il a de plus intime, de plus sacré, il le met dans vos faibles mains, et vous n’êtes pas aimée ! Il vous faut autre chose ! Eh bien ! vous l’avez trouvé. Soyez heureuse ! »

Mme de Solis vient de constater au contraire, et dès le début de sa tentative d’émancipation passionnelle, l’égoïsme foncier du séducteur banal en qui elle avait cru pouvoir incarner son rêve romanesque : « Ah ! sanglote-t-elle alors, que ne m’avez-vous parlé une fois, une seule fois comme vous le faites ! » Ce qui semble un retour machinal de Feuillet vers ses enseignements ordinaires sur la culpabilité du mari dans le naufrage de l’intimité conjugale. Mais cette fois le mari riposte avec le sentiment de son innocence : « Je l’ai essayé à vingt reprises. Vous ne m’avez pas entendu. Ma fierté s’est lassée ! » Et voilà donc retournée de bout en bout, pour ainsi dire, la thèse si souvent défendue par le romancier d’Un mariage dans le monde ou de l’Histoire d’une Parisienne. Ne serait-ce pas qu’il s’arrête instinctivement, dans son plaidoyer pour la femme contemporaine, quand l’aspiration de celle-ci va passer du romanesque légitime au romantisme passionnel ? Et ceci nous démontre bien qu’il s’est fait l’avocat de cette femme sans arrière-pensée d’intérêt personnel, sans prétendre à justifier un passé discutable ou à se préparer quelque galant avenir, comme ce fut le cas pour la plupart de nos moralistes romantiques.

En ceci, il s’apparente de près aux romanciers de notre siècle classique. La gracieuse jeune femme sur laquelle il concentra, peu avant sa fin, toutes ses complaisances, Aliette de