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d’ange gardien que lui traça cette mère audacieuse et qu’elle a sanctionné d’ailleurs, ensuite, de tout le feu de son jeune amour pour un être tout de séduction. Efforts infructueux pour son bonheur qui bientôt s’écroule en l’écrasant presque sous ses ruines : efforts non entièrement superflus toutefois, puisqu’ils amèneront Louis de Camors à renier enfin, par ses actes, le criminel testament de son père, et à expier, par un trépas précoce autant que pénible, le mauvais emploi qu’il a fait de ses qualités sans égales.

Aliette de Vaudricourt, la douce Morte, sera conseillée à son tour dans le sens de ses propositions natives par son oncle, le pieux mais romanesque prélat qui la décide à épouser l’homme qu’elle aime, en dépit de la divergence de leurs idées religieuses, parce qu’il vient la confirmer dans l’espoir de convertir cet homme à toutes les religions du foyer. Certes, l’amoureux Bernard a protesté tout d’abord, et avec une entière loyauté, qu’il se croyait incapable de jamais revenir à la foi de son enfance. Mais l’évêque et la jeune fille lui ont alors répondu, à l’unisson, que Dieu a ses voies et qu’ils espèrent mieux de lui que lui-même. Ils auront d’ailleurs vu juste en fin de compte, mais après que les voies divines auront passé, comme ce fut le cas pour Sibylle, sur le tombeau d’Aliette, après que cette infortunée aura gravi au préalable tout l’escarpement du calvaire conjugal déjà décrit par Feuillet à propos de Mmes de Champcey, de Camors, de Trécœur, de Vardes, de Cambre ou de Vergnes.

Enfin, le type le plus achevé de ces platoniques chrétiennes, nées pour sauver l’homme qu’elles élurent, fût-ce au prix de leur vie, — comme le Christ dont elles ont fait leur modèle, — c’est Sibylle de Feryas dont la disposition d’âme suscita naguère, chez les lecteurs de son aventure sentimentale, presque autant de protestations et de colères que d’enthousiasmes et de ferveurs ; c’est Sibylle la romanesque-née qui, dans les bras de sa nourrice, prétendit dérober une étoile au ciel, et, sous les yeux de sa bonne, chevaucher un des cygnes de l’étang. Par malheur, et de même qu’il lui dessinait, nous l’avons dit, un trop flottant amoureux, son peintre a tracé d’un pinceau parfois hésitant son portrait moral. Tout en la désirant sympathique au plus haut degré, sans nul doute, il ne lui a pas épargné les objections et les critiques. Or, ces critiques sont souvent si judicieuses et portent sur de si essentielles attitudes, qu’elles font hésiter la