devoir qui en remplit le vide, qui m’occupe et qui m’attache. C’est une œuvre attrayante que de relever peu à peu une âme désolée, de la tirer du désespoir, de lui rendre la paix et le sourire, de la ramener à la soumission et à Dieu. » Puis encore, après le second de ces héroïsmes muets : « Tu me restes, ma fille ! Un jour, ces lignes te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque. Tu apprendras d’elle que la passion et le roman sont quelquefois bons, avec l’aide de Dieu ! » Voilà qui est fort bien dit, car les restrictions indispensables figurent à côté de l’avis quelque peu téméraire, et nous avons fait connaître à quelles sortes de « romans » cette rare personne dévoua son austère existence.
Moins souple et moins ferme à naviguer entre les écueils que doit éviter l’enthousiasme permis, se montrera cette autre romanesque, d’un cœur égal cependant, Mme de Tècle, mère de la comtesse Marie de Camors. De celle-ci, Feuillet ne nous dissimule pas que le roman de renoncement fut aussi inconsidéré que généreux ; en elle, ce genre d’inclination, essentiellement noble, que les femmes d’élite éprouvent quelquefois pour les libertins séduisants, l’attrait de la conversion, le platonisme pris au sérieux, a en effet suscité un projet étrange. Camors osa lui parler d’amour dans son veuvage sévère et dans sa provinciale retraite. Transposant alors, avec une admirable pudeur, dans le diapason maternel, l’émoi inavoué que lui causa cette folle tentative, elle décide d’élever désormais sa fille Marie, à peine sortie de l’enfance, pour en faire un jour la femme de cet homme si évidemment supérieur. Car elle croit de toute son âme à la possible rénovation morale des chevaliers errants de notre époque, des aventureux « enfants du siècle » romantique par une dame de leurs pensées qui leur apporterait l’intimité d’un cœur honnête, les saines émotions de la famille, les douces religions du foyer.
Or, le Parisien prestigieux épousera un jour en effet, et contre toute attente, la fille, à ses yeux fort insignifiante, de sa voisine de campagne ; mais ce sera par surprise et par force, sans aucune inclination de sa part et sur l’injonction péremptoire de sa redoutable maîtresse, la marquise de Campvallon, réduite à cet expédient par les soupçons menaçants de son mari. Alors, dans des lettres charmantes à sa mère, la jeune comtesse lui dira ses efforts pour réaliser le programme