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si vite de prendre à son foyer la place de la sainte dont elle a secrètement abrégé les jours. Elle l’avertira tout d’abord de ne pas compter sur une postérité de son fait : « La nature, lui expose-t-elle crûment et avec un parfait sang-froid, a inventé le plaisir comme appât de la maternité. Or le privilège d’un esprit émancipé est de saisir l’appât pour laisser là le reste. Vous me direz que si chacune et chacun pensait de la sorte, le monde finirait bientôt. Je vous répondrai que cela m’est tout à fait égal ! La nature, vous le savez, ne montre qu’un souci, c’est de conserver l’espèce ; elle a, du reste, le mépris de l’individu. Eh bien, de plus qu’elle, j’ai le mépris de l’espèce ! »

Enfin, et toujours s’adressant à son époux, ahuri devant un pareil cynisme, elle lui déclarera qu’elle se croit fort libre de satisfaire (telle la Fernande de Jacques) à ses impulsions amoureuses vers tel ou tel des jeunes gens qui l’entourent. Le mariage, explique-t-elle, offre d’incontestables avantages pour la femme au point de vue social, et elle en a donc souhaité la sauvegarde ; mais, avec la Société, il lui plait d’en user comme avec la Nature, c’est-à-dire d’utiliser les commodités qu’elle présente tout en répudiant les servitudes que cette Société prétendrait imposer en retour ! — On le voit, la figure de ce Camors féminin, plus logique avec ses convictions que son prototype mâle, a été tracée avec une belle vigueur par le vieillard qui revenait, une fois encore, à plaider, devant les lecteurs de la cinquième génération rousseauiste à son aurore, les causes jadis défendues par lui devant ceux de la quatrième, à laquelle il appartenait par la date de sa naissance. :


V

Et pourtant, les femmes qu’il a dessinées avec la plus tendre complaisance, ce sont ces angéliques créatures qui ont trouvé pour ainsi dire dans leur berceau la règle du bien, qui n’ont nul besoin d’éducateur masculin pour réaliser la perfection de leur type mais aspirent au contraire à élever quiconque les approche jusqu’au niveau moral supérieur où elles se sentent solidement établies pour leur part. Ces femmes-là, — dans l’influence de réciproque perfectionnement dont se targue toute morale érotique depuis Platon, — réclament le rôle actif et prépondérant que leur réservait si volontiers notre tradition