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hommes ou les choses d’une période décidément périmée aux appréciations dictées par le souci de la lutte vitale. Or Feuillet ayant été, lui aussi, le peintre autorisé des élégances du second Empire, va bénéficier du décret d’opinion qui classe enfin ces quelques vingt années de notre passé national dans la catégorie de l’Histoire de France.

Hier encore, telle noble demeure du Faubourg Saint-Germain retranchée derrière sa cour d’honneur, ouvrant ses salons sur des arbres séculaires, voyait se jouer et se lire, pour un cercle d’intimes, des saynètes et des nouvelles où se retrouvait l’influence de l’écrivain normand : récréations de quelque grande dame lettrée qui, ayant eu vingt ans vers 1860, demeurait fidèle aux admirations de sa jeunesse ! Ceux qui saluèrent les œuvres maîtresses de Feuillet dans leur nouveauté triomphante achèvent de s’éteindre. Nul ne l’imitera plus désormais, mais en revanche il sera goûté de nouveau et plus que jamais dans la perspective du passé où ses traits fins, ses allures discrètes et courtoises, rappelleront une heure d’autorité, de rayonnement pour la France. Les théoriciens du « naturalisme » qui, après 1870 ; l’écartèrent assez brutalement de leur chemin, s’étonnaient de l’entendre affirmer des convictions traditionalistes et chrétiennes en des récits dont s’exhalait, à leur avis, une si capiteuse odeur de femme. Une critique moins hostile le traitait comme un agréable écrivain pour dames, et il en souffrait parce qu’il voulait être mieux qu’un amuseur, parce qu’il prétendait au titre de moraliste. Prétention justifiée selon nous. Par sa tentative de réforme des mœurs, il marquera dans l’histoire de l’âme française, et l’objet de notre étude est de donner, sur ce point, satisfaction aux mânes de ce parfait galant homme. L’hommage ne lui sera sans doute que plus agréable pour être rendu à la place même où furent publiés d’abord, et presque sans exception, ses romans.


I

Son nom commença d’être connu du public au lendemain des événements de 1848, à l’heure où les choryphées de la troisième génération rousseauiste ou romantique venaient d’être balayés par la vague de mysticisme politique et social qu’ils avaient déchaînée sur l’Europe. La réaction s’imposait contre