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LE ROMANESQUE D’OCTAVE FEUILLET
POUR LE CENTENAIRE DE SA NAISSANCE

Il y aura, le 11 août prochain, un siècle qu’Octave Feuillet naquit à Saint-Lô, le paisible chef-lieu du département de la Manche où son père exerça par la suite les fonctions de secrétaire-général de la préfecture. Trente ans se sont écoulés depuis sa mort et lui ont imposé ce semblant d’oubli, cette quarantaine sur la route des suprêmes honneurs posthumes que se voient épargner peu d’hommes éminents. L’épreuve semble toucher à sa fin en ce qui le concerne. Voici que l’époque de sa maturité féconde, celle dont son art porta l’empreinte et refléta le goût, le second Empire, nous apparaît dans un recul propice aux jugements dictés par le sang-froid. Avec la même curiosité que les recueils d’estampes du XVIIIe siècle, on feuillette désormais les albums où se succèdent les illustrations des Bertall ou des Marcellin : les aquarelles de Lamy ou de Guys ne sont pas moins recherchées que les gouaches de Lawreince et de Mallet. Le grand tableau où l’Impératrice Eugénie se fit peindre par Winterhalter en plein air, au milieu de ses dames d’honneur, passait pour quelque peu conventionnel et maniéré ces années dernières : un mystérieux rayon de poésie vient aujourd’hui caresser le groupe élégant des jeunes femmes, et les reproductions gravées de cette toile, si agréablement officielle, trouvent de nombreux acheteurs. — La souveraine qui s’éteignit ces mois derniers, — presque centenaire elle-même, — semble avoir donné par sa fin le signal de cette transfiguration étrange dont le psychologue est embarrassé de rendre compte : c’est l’entrée en vigueur d’une prescription tacite qui soustrait les