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danse un homme nu et doré. Sa danse est belle et limitée par la forme d’un losange pas beaucoup plus grand qu’un fauteuil. Là, l’une après l’autre, des forces bizarres que personnifient des danseuses viennent impérieusement le tenter. Elles le persuadent de se présenter à l’Académie.

Tout en haut passent alors des formes voilées ; elles passent, blanches et noires, et repassent, inlassables : une voix... deux voix... trois voix. Oui. Non. Boule blanche, boule noire... Combien aurai-je de voix ? Et le malheureux, désormais en proie à l’idée fixe, continue à danser un pas d’hésitation, d’espoirs, de convoitise, cependant que se déroule au-dessus de lui l’hallucination du « pointage. »

Une dame puissante et calme, aux gestes mesurés et qui sans doute représente la coutume ou la convention, ou la tradition, vient à son secours et lui démontre par une mimique péremptoire que, pour se présenter à l’Académie, il faut faire des visites à des messieurs sensés et dont la fantaisie est sévère ; la nudité dorée ne leur plaira pas. Elle lui offre donc ses propres voiles, dans lesquels il s’enroule peu à peu, pendant qu’à son tour elle se découvre à demi ; alors elle lui met la main sur les yeux, afin de lui cacher sans doute ses propres imperfections et toutes les difficultés qui l’attendent, et elle l’entraîne, en proie pour un temps à la fièvre verte, du côté du Palais Mazarin.

Cependant que continuent à passer à l’étage supérieur les fantômes des voix, anonymes et voilés, blancs et noirs, oui et non... et que, tout en bas, deux ombres se désintéressent de ces agitations que, mieux que personne, elles savent vaines : celle-ci, passée, que l’Homme et son désir remplaceront peut-être, et celle-là, future, qui le remplacera plus tard, à son tour...


GERARD D’HOUVILLE.