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Grand prix, » réunissant à la fois « le monde » et les masques, devait réussir tout particulièrement, et, fort beau, il réussit. Je dois dire, pour être juste, qu’il n’avait rien d’endiablé, sauf par le chatoiement enflammé des rouges qui, du plus vif au plus pourpré, s’éteignant dans les violets et se sulfurant dans les mauves, se rallumait dans les orangés, et donnait bien l’image embrasée du plaisir avec ce qu’il peut receler d’un peu satanique et redoutablement brûlant. Et toutes ces couleurs se mêlaient, se fondaient en danses ou en promenades ; tous les rouges se joignaient, s’enlaçaient, se renforçaient de leurs contrastes ou de leurs similitudes, le rouge de la pruderie et celui du plaisir, l’incarnat de la honte, le vermillon de la joie, le cramoisi de la timidité et la pourpre de la colère : tous ces tons de fleurs et de péchés, toutes ces nuances de sentiments et de sensations formaient comme un grand, jardin passionné, ondoyant au souffle violent de la musique.

La plupart des loges sont vides, leurs spectatrices ayant préféré l’imprévu du couloir ; et semblent aussi des masques, sombres entre les dorures, les lumières, les girandoles et toute la décoration, lampions, glycines et perroquets, banale, mais jolie et multicolore. On pense au premier acte d’Henriette Maréchal que les Goncourt ont fait se passer au bal de l’Opéra. Allons-nous voir se dresser dans une de ces loges vides le fameux « monsieur en habit noir, » qui insulte les masques groupés en bas et qui leur envoie comme principale injure : — je m’en excuse auprès du directeur et des lecteurs, — « Abonnés de la Revue des Deux Mondes !... »

Robes à paniers, perruques poudrées, dominos classiques, bautas de Longhi, mantilles espagnoles, chapeaux et tricornes, masques noirs ou blafards, violets ou dorés, aux mufles de bête, aux cils faux, aux paupières de strass ou bien loup tout simple et posé, sombre, comme une pensée de velours sur un visage blanc ; cagoules transparentes sous lesquelles brillaient les dos nus, draperies d’argent, casques emplumés, robes persanes, voiles à la turque ; toutes les formes inventées par les peuples Les plus variés pour rendre trompeuse l’apparence et la parer des prestiges du secret et des attraits du mystère, étaient là, représentées sous leurs plus séduisantes couleurs.

Et pourtant, dans l’atmosphère d’animation et de joie et le pétillement de la fête, circulait je ne sais quoi de vaguement