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la Parisienne sédentaire te goûte-t-elle le plus souvent à Paris ?

— Parce que, vous explique cette folle ou ce sage, le Paris d’été est charmant et tout particulièrement en juin ; en ce mois privilégié, s’il fait clair, s’il fait doux, la ville, ravivée de soleil, embellie de lumière, coiffée de ses ramures neuves, a des grâces de jolie femme.

C’est l’époque où la pierre semble fleurir et, de grise devenir rose, où les jardins de Paris sont beaux, où tous les plus vieux monuments n’évoquent que de jeunes fantômes.

Des parterres du Luxembourg, — ah ! les gros ramiers se balançant sur les souples aubépines ! — aux roseraies de Bagatelle, il est doux de respirer ici la fin du printemps.

Le soir, au Bois, le Lac, avec ses barques gaies qu’éclaire à chaque proue une lanterne rouge, prend des petits airs d’Eaux douces et de Bosphore, et, au crépuscule, quand ne passent plus sur la route les automobiles bruyantes, des oiseaux chantent dans les acacias, cependant qu’aux polos, aux golfs, la jeunesse impitoyable s’amuse à martyriser les prairies.

A l’horizon des joueurs, la galopade des chevaux, porteurs de chimères, sous l’aspect de jockeys bariolés, forme une frise mouvante et toujours renouvelée, qui se déroule au seuil de la ville et plait plus aux citadins que celle du Parthénon.

Et la nuit, on danse encore au son des orchestres bizarres dont les nègres ont donné trop longtemps le ton aux modes féminines : — ah ! pour l’amour du noir !...

Mais bientôt les plaisirs de plein air, et tous les verts de la nature exigeront les robes claires, les couleurs épanouies. Car déjà les hâtifs marronniers roses se sont effeuillés et leurs fleurs tombées font une joue de fard à la pelouse ronde.

Et toutes les fleurs de juin, n’est-ce pas ? vous les avez eues dans votre maison, au long des jours : soucis vermeils et pensées masquées, pieds d’alouette, delphiniums (quelques-uns si pâles qu’ils semblaient n’avoir pas mis « leur bleu »), lis de juin, tout en satin blanc, que peu à peu le pollen dore, lis jaunes, enivrantes hémérocales, gants de Notre-Dame en velours grenat, nénuphars chétifs loin du limon, iris aux tons plus fins que des ombres, pois de senteurs aux ailes embaumées, capucines couleur des soleils couchants, et toutes les roses. Et surtout,