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un volume dont la place est fraternellement marquée à côté des œuvres du poète [1].

Tous ses amis, tous ses aînés se sont unis pour lui rendre hommage. Oui, on pourrait lui comparer certains éphémères épanouissements d’un Keats, au bord des gouffres pleins d’astres d’un Pascal... et pourtant, dans cette Eurydice inachevée qui sera sa gloire, il est et il restera incomparable : « Oh ! s’y écrie-t-il, tenir dans la main le rossignol quand il chante ! » Eurydice, c’est la réalisation presque effrayante de ce souhait. C’est vraiment sentir dans sa main le cœur d’un poète quand il souffre, quand il aime, quand il pleure et prie, quand il chante... Oh ! Drouot ! ce cœur !

Ce cœur, auquel vous donniez pour devise : « Cœur, supporte ! » Ce cœur ! comme il a battu, comme il a saigné, comme il a palpité de toutes les misères de l’homme et de toutes les agonies de la rédemption ! Ce cœur trop dévorant pour ce corps et se suppliciant de toute l’imperfection de ce qui change et passe, de quelles souffrances l’auriez-vous contenté, si déjà, avant votre mort de soldat, vous ne l’aviez offert à Celui que l’on n’implore pas en vain ?

Votre amour c’était déjà de la sainteté, et du martyre ; il y avait en vous je ne sais quelle foudroyante charité.

Vous êtes mort héroïquement, en fils de votre race, et comme vous l’aviez prédit dans des vers singulièrement prophétiques, dans une page inachevée...

Jeune homme au grand cœur, qui avez trouvé le repos dans l’holocauste, ne nous oubliez pas, nous, vos amis, qui vous vénérons et ne sommes pas en paix. Par ces nuits étoilées, qui vous versaient parfois quelque douceur, venez vous asseoir avec bonté au chevet inquiet des vivants qui vous ont chéri et que vous avez aimés... O vous qui avez modulé un grand cri, si pur, qu’il transpercera le temps et l’espace et, de cœur en cœur entendu, ne s’éteindra jamais.


JUIN

Beau juin ! saison des frais ombrages, jeunesse des arbres, douceur des herbes, charme chaud du premier été, pourquoi

  1. Une importante partie de cette étude a paru dans la Revue hebdomadaire.