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pied à pied le terrain, et se dégageant, surtout le 16e corps, par de vives contre-attaques.

C’est un grave échec, dont les causes, stratégiques et tactiques, sont multiples et complexes, mais dont il s’agit de limiter les effets, en attendant de le réparer. A dix heures trente, le général de Castelnau donne à toutes ses troupes l’ordre de se retirer par échelons : le 16e corps, vers Maizières et Réchicourt ; le 15e corps, vers Donnelay et Juvelize ; le 20e corps, sur la Seille. Mais les nouvelles reçues dans la journée le déterminent à exécuter une retraite plus complète. A seize heures trente, de son poste de commandement d’Arracourt, il prescrit à ses différents corps de se dérober pendant la nuit : tandis que de fortes arrière-gardes protégeront la retraite, le gros des troupes se rassemblera sur différents points qui leur sont fixés ; et rentré à Nancy, il installe son quartier-général dans l’infirmerie de la caserne Blandan. Là, dans une petite chambre dont il ne sortira guère, sur un bout de table où il mange, quand on peut l’y décider, il va élaborer le plan de la future bataille. Jour et nuit il est sur pied, sauf dans les rares heures où il s’étend sur son lit, pour essayer de dormir. Son premier soin est de reconstituer le gros de ses forces derrière la Meurthe et le front du Couronné. A cet effet, d’immédiates mesures sont prises. Les embarquements du 9e corps d’armée sont arrêtés ; les travaux de défense du Grand-Couronné sont activement repris et poursuivis par les éléments disponibles de cette unité et par les divisions de réserve ; on y installe des canons de gros calibre que fournit le gouverneur de Toul ; et tandis que la 73e division de réserve tient la rive gauche de la Moselle pour s’opposer à toute offensive adverse, les officiers d’état-major parcourent les routes de marche, orientant les colonnes de l’armée retraitante, groupant les isolés, acheminant les parcs et convois vers leurs destinations respectives. Grâce à ces heureuses dispositions, la retraite s’exécute avec un ordre et une rapidité remarquables.

Mais le 20, dans la soirée, on apprenait la mort héroïque, à la tête de ses chasseurs, du fils du général, Xavier de Castelnau. La légende s’est emparée de ce douloureux épisode ; la réalité, plus humaine et plus simple, n’en est pas moins émouvante. En recevant cette nouvelle, le général Anthoine se résout à la cacher provisoirement à son chef qui, ayant à prendre d’importantes décisions, a besoin de toute sa liberté d’esprit. Le 21,