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connaître, il sera, de la part de toute l’armée française, l’objet d’une sorte de vénération tendre qui rappellera un peu, et à juste titre, celle dont, en son temps, fut entouré Turenne.

La guerre ! Le général de Castelnau la voyait venir, et il s’y préparait de toute sa clairvoyante énergie. Il organise la défense de Nancy et fait commencer d’importants travaux sur le Petit et le Grand-Couronné. Au printemps de 1914, profitant de quelques loisirs, il entreprend de ramasser les réflexions de toute sa vie touchant les problèmes essentiels de la défense nationale, et il rédige, pour son propre compte, un mémoire ayant pour objet « d’établir un plan d’opérations et de déterminer la forme que devra ou pourra affecter la conduite de la guerre. » Ce travail, qui fut communiqué au généralissime, n’a, malheureusement, pas été achevé. C’est un modèle de clarté, de sage prévision et de robuste bon sens. Les historiens militaires nous diront un jour les raisons majeures qui ont dû sans doute imposer d’autres « directives » .

Envisageant l’ensemble de la situation respective de la France et de l’Allemagne, le général constatait d’un côté une croissante volonté de guerre, de l’autre des dispositions profondément pacifiques. Il en concluait que « nous ne serons probablement jamais les agresseurs. » De là, pour nous, « au point de vue exclusivement militaire, une cause de réelle infériorité, » et l’obligation « d’admettre que l’heure originelle de la mobilisation allemande précédera de vingt-quatre heures au moins « et peut-être même de quarante-huit heures) le moment initial de notre propre mobilisation. » En se plaçant dans l’hypothèse la plus favorable, il estimait que « nous atteindrions théoriquement la frontière commune soit en même temps que l’ennemi, soit une demi-journée avant lui. » « Dans ces conditions, affirmait-il, nous devons renoncer à l’initiative des opérations et nous décider à adopter la défensive stratégique en principe. » Et il ajoutait : « La défensive stratégique nous subordonne pour un temps et dans une certaine mesure à la volonté de l’adversaire. Pour nous affranchir de ce joug, il importe de pénétrer au plus tôt les intentions de l’ennemi, de les déjouer d’abord, et de lui imposer ensuite notre propre volonté. » « Il ne faut pas perdre de vue, insistait-il, que la défensive stratégique ne saurait être une défensive passive... Ce serait se vouer à la défaite. Notre défensive devra être essentiellement active. L’attaque de