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heureuses mesures réparatrices du ministre de la Guerre du cabinet Poincaré, M. Millerand. Quand celui-ci, pour un incident futile, dut se retirer, en décembre 1912, il allait faire voter par les Chambres un projet détaillé relatif à la prompte réfection et à la mise au point de notre matériel de guerre : ce projet, auquel le général n’était pas étranger, n’a été repris, hélas ! qu’en juillet 1914. On voulut courir au plus pressé en faisant voter la loi de trois ans. C’est auprès du général de Castelnau que venaient se documenter tous les inspirateurs et partisans de cette loi tutélaire, et nul n’aura plus efficacement contribué à la faire aboutir. Mais cela ne lui suffisait pas. Énergiquement soutenu par le seul général Gallieni, il réclama, à l’une des séances où, en avril 1913, se discutait la loi nouvelle, un matériel nouveau, et qui fût digne de la France. « Le maréchal Le Bœuf, s’écria-t-il, déclarait en 1870 qu’il ne manquait pas un bouton de guêtre. Aujourd’hui, ce sont les guêtres qui manquent. Nous avons une armée de pouilleux ! » Et il donna ses preuves. Grand émoi au camp des ministres. On élabora de beaux programmes, un grand projet d’emprunt... et autant en emporta le vent ! Du moins, ce ne fut pas la faute du général de Castelnau si, en 1914, il manqua « des canons, des munitions, » — et des fusils, des mitrailleuses, des avions, des téléphones de campagne, des trains sanitaires et des équipements...

A la fin de 1913, sans avoir, dans l’intervalle, commandé de corps d’armée, il était nommé membre du Conseil supérieur de la Guerre, et succédait au général Pau, atteint par la limite d’âge, au commandement éventuel de l’armée de Lorraine. C’était alors, en dépit de ses soixante-deux ans et de sa moustache blanche, une grande force intacte, pleine de vigueur et de sève, à laquelle une constante activité et une charmante jeunesse de cœur ont conservé tout son ressort et tout son élan. L’expérience l’a enrichi sans l’alourdir. Petit, trapu, de bonne santé et de belle humeur, marcheur et cavalier infatigable, le front haut, le regard clair et fin, aisément malicieux, le visage souvent illuminé d’un bon sourire, la parole facile, savoureuse et cordiale, avec un léger accent du Midi, il évoque dan » toute sa personne le souvenir des grands soldats du second Empire, avec quelque chose pourtant de plus réfléchi et de plus solide. Sa courtoisie, sa simplicité, sa franchise provoquent la confiance et attirent la sympathie. Quand la guerre l’aura fait plus largement