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Suivant la forte expression de Clausewitz, la guerre n’est que « la politique continuée par d’autres moyens ! » Et développant sa pensée en des termes qui, à cette date, étaient véritablement prophétiques, il ajoutait :


Ce constant échange de vues, de renseignements et d’études (entre le département militaire et le département politique), répond à une impérieuse obligation. Faute de s’y soumettre, on s’expose à de funestes désastres militaires ou à d’humiliantes retraites diplomatiques... L’activité et la souplesse diplomatiques sont particulièrement mises à l’épreuve dans une guerre de coalition. Il ne suffit pas de réaliser avant la lutte une entente complète et loyale entre les Alliés, il importe encore de la maintenir dans des milieux fatalement excités et facilement irritables. Il faut la défendre contre les malentendus, les défiances, les intrigues, les convoitises, et parfois même contre les événements... La politique et la guerre exercent donc l’une sur l’autre une action réciproque et continue. Le chef militaire ne saurait à aucun moment la méconnaître, s’il veut être prêt à servir un jour, en toute efficacité, les desseins de la volonté nationale. Pour saisir tous les rapports utiles de la politique et de la guerre, il serait peut-être téméraire de compter sur les données hâtivement acquises au moment du besoin ou sur les élans de l’inspiration. Le succès ne s’improvise pas, il se prépare.


Le chef qui parlait ainsi aura bientôt pour mission de préparer le succès des armes françaises. Quand, au mois de juin 1911, le haut-commandement fut remanié, le général Joffre nommé généralissime et chef d’état-major général, le général Pau, auquel ce poste avait été offert, et qui avait cru devoir le refuser, recommanda très chaudement Castelnau, dont il connaissait depuis longtemps la valeur, au conseil supérieur de la Guerre. Nommé premier sous-chef d’état-major général, le général de Castelnau. devient Ainsi le collaborateur immédiat du généralissime.

Bientôt éclate l’affaire d’Agadir qui ouvre les yeux des plus aveugles sur les intentions belliqueuses de l’Allemagne. Fort négligée depuis quelques années, à chaque instant contrariée par de fausses manœuvres politiques, de coupables lésineries, des surenchères électorales, notre préparation militaire, surtout au point de vue des effectifs et du matériel, offrait d’assez graves lacunes. Le général de Castelnau fit tout ce qui était en son pouvoir pour les réparer. Il applaudit de tout son cœur aux