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d’une grande œuvre commune, qu’il obtient d’eux tout ce qu’il veut. Son régiment, c’est le prolongement de sa famille ; et quand le général Michal voudra faire de lui son chef d’état-major, il hésitera d’abord à quitter « ses enfants. » Entre temps, il poursuivait ses travaux personnels ; il étudiait sous tous ses aspects cette frontière de l’Est qu’il allait être appelé à défendre. Quand, en 1905, après Tanger, M. Doumer voulut se rendre compte par lui-même de l’état de nos organisations défensives, ce fut le colonel de Castelnau qui lui servit de guide : sa netteté et son ubiquité d’esprit, sa haute conscience, sa compétence émerveillèrent ses auditeurs. Peu de temps après, il recevait enfin les étoiles, que, sept années durant, le régime lui avait fait si mesquinement attendre.

On l’envoie tout d’abord à Sedan commander la 24e brigade. Bientôt il est désigné comme chef d’état-major éventuel d’une armée et il va prendre à Soissons le commandement de la 7e brigade. En 1910, sur la proposition du général Tremaud, dont il était le chef d’état-major désigné, il reçoit la troisième étoile et va prendre à Chaumont le commandement de, la 13e division du 7e corps d’armée. Au printemps de 1911, il est amené à faire au centre des Hautes Etudes militaires une série de conférences qui eurent quelque retentissement. Avec bonhomie, mais avec autorité et avec force, émaillant son discours de ces formules vives, frappantes, gonflées d’expérience, comme il les aime, il y exposait sa philosophie de la guerre. Dans la première, sur la Doctrine, il montrait l’importance capitale qu’il y avait pour une armée bien constituée à posséder un corps de doctrine unique, simple, clair, substantiel, perpétuellement revivifié et illustré par l’enseignement théorique et pratique des écoles et de la vie militaire ; il montrait que cet excellent corps de doctrine, l’armée française le possédait, grâce aux pénétrants « psychologues militaires » qui avaient élaboré les règlements de 1895, et il en défendait vigoureusement certains articles contre les critiques superficielles des jeunes théoriciens de l’état-major. Dans une autre conférence, il exposait ses vues de toujours sur la conduite de la guerre. Appuyé sur l’histoire, il insistait sur l’étroite et nécessaire interdépendance de l’action diplomatique et de l’action militaire. « La politique et la guerre, disait-il, tendent donc évidemment vers le même but. De là l’impérieuse nécessité d’une action essentiellement concordante.