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avait, pour la première fois depuis 1870, manifesté largement, aux regards de l’Europe étonnée, sa force reconstituée : troupes nombreuses et instruites, cadres excellents, outillage perfectionné de campagne et de forteresse, doctrine robuste, vécue, puissamment expérimentale, et qui sera bientôt remarquablement condensée dans le Décret de 1895, sur le Service des armées en campagne. À cette armée il manquait encore cependant un rouage de première importance : un plan de mobilisation qui fût exactement adapté aux besoins changeants et aux ressources présentes de la défense nationale. Attaché à ce nouveau service, Castelnau s’y consacra tout entier. Sa collaboration apparut si précieuse que, l’époque venue, en 1894, du stage obligatoire de deux ans dans la troupe imposé aux officiers d’état-major, le général de Boisdeffre le fit affecter au 115e régiment d’infanterie, en garnison à Paris, ce qui lui permettait de venir passer presque tous ses après-midi au Ministère. Son stage accompli, en 1896, il est nommé lieutenant-colonel, et il revient définitivement au premier bureau, d’abord comme sous-chef, puis comme chef. Il y devient le bras droit et bientôt l’intime ami du général Delanne, encore l’un de ces grands chefs qui ont modestement, mais puissamment préparé nos victoires, et qu’il faut signaler à la respectueuse gratitude des générations nouvelles. Au bout de trois années et demie d’une collaboration étroite et d’un travail acharné, le plan de mobilisation est entièrement refondu et remis au point. Depuis, il n’a subi que de légères modifications de détail ; mais, dans ses grandes bases, il est resté absolument intact, et, en 1914, il a été mis en œuvre tel qu’il avait été conçu et définitivement établi en 1900. L’événement allait prouver qu’il avait été bâti de main d’ouvrier.

Pour le récompenser, on nomma Castelnau colonel. Il prit le commandement du 37e d’infanterie, l’ancien régiment de Turenne, qui tient garnison à Nancy et fait partie de la fameuse division de fer. Jamais chef ne s’identifia plus complètement avec la troupe d’élite qui lui a été confiée. De la vie très rude qui est celle des corps de couverture, il prend sa part active. De chacun de ses hommes il exige le maximum d’efforts ; mais il prêche d’exemple, et par sa bonté, sa franchise, l’intérêt paternel et personnel qu’il témoigne à tous, il sait si bien leur donner le sentiment qu’ils sont les collaborateurs indispensables