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et même d’hommes politiques, n’ont pas eue, il ne devait cesser de l’enrichir et de la creuser.

Quand, en 1880, le capitaine de Castelnau, breveté d’État-major, sortit de l’Ecole de guerre pour se rendre à sa nouvelle garnison de Toulouse, au 59e d’infanterie, il était marié. Il avait réalisé le rêve charmant de sa prime jeunesse et fondé ce beau foyer, qui devait être, comme il l’a dit, « la grande affaire de sa vie. » Il avait épousé une amie d’enfance, une de ses cousines du côté maternel. Douze enfants, — huit fils et quatre filles, — sont nés de cette union. Trois polytechniciens, deux saint-cyriens, un élève de Saint-Maixent, un élève de l’École des Mines de Saint-Etienne, cette simple nomenclature dit assez ce que fut l’éducation d’une famille où l’intelligence, le travail, le culte religieux du devoir sont une constante et vivante tradition. Lorsque la guerre éclatera, le père sera plus fier de partir avec ses six fils, — l’un déjà est mort, le dernier n’a que quinze ans, — que de son titre de général d’armée.

Cependant la carrière de celui-ci se poursuivait, facile, régulière, toujours laborieuse, avec son utile cortège d’expériences nouvelles. Il était bientôt, à Toulouse même, attaché à l’état-major de la 34e division ; puis, distingué par le général Delbecque, il était appelé à l’état-major du 17e corps. En 1889, il est nommé commandant, puis décoré. Et, de temps à autre, sur les bords de la Sorgue, la petite rivière qui baigne la jolie ville de Saint-Affrique, on voyait se promener, aux bras l’un de l’autre, un officier alerte et cordial et le vieux marquis Michel, tout fier de son « Edouardou. »

Au début de 1893, le commandant de Castelnau est mandé à Paris par le général de Miribel, ce magnifique soldat et ce grand cœur, auquel la France triomphante doit un souvenir ému et reconnaissant, car nul n’a plus fait pour la réorganisation de sa force militaire. Le général avait été frappé des vues originales et pratiques de son subordonné concernant la mobilisation : il le place au premier bureau de l’Etat-major général de l’armée, poste de choix et de confiance où bien vite le nouveau venu fait apprécier de tous sa souple compétence et son caractère. C’était le moment où l’armée française, en pleine possession de tous ses moyens, donnait à tous ceux qui l’approchaient l’impression de former désormais un instrument de guerre redoutable. Aux grandes manœuvres d’ensemble de 1891, elle