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met au cœur l’ardente passion du relèvement national et le désir d’y travailler de toutes ses forces. Il est d’ailleurs trop simplement et trop intimement chrétien pour ne pas croire, lui aussi, à la « justice immanente. » Mais l’expérience précoce qu’il vient de faire de la guerre lui a prouvé que la folle vaillance et l’intuition même du champ de bataille ne suffisent pas à assurer la victoire ; il y faut la méthode, l’organisation, l’entraînement, les lentes préparations de la science. L’éducation militaire de l’armée française est à refaire de fond en comble. A cette œuvre de longue haleine, il va se vouer corps et âme.


II. — D’UNE GUERRE A L’AUTRE

Et d’abord, estimant que l’Ecole de Saint-Cyr, telle qu’elle était alors organisée, n’a plus rien à lui apprendre, il n’y rentre pas pour y achever sa seconde année, et il se met à la disposition du ministère. La Commission de révision des grades, eu égard à ses brillants états de service, n’enlève qu’un seul galon à ce capitaine de dix-neuf ans, et il est envoyé comme lieutenant à Bourg. Alors commence pour lui cette vie laborieuse et modeste qui fut, d’une guerre à l’autre, celle de tant d’officiers français. Aimant passionnément son métier, il remplit avec une scrupuleuse conscience tous ses devoirs d’état ; il étudie sur le vif cette âme du soldat français dont il a parlé l’an dernier avec une si paternelle tendresse, et il s’y attache profondément ; il sait par expérience toutes les ressources de courage, de gaité, de stoïque endurance, d’inépuisable dévouement qu’elle recèle ; mais il sait aussi, par expérience également, qu’elle ne se livre pleinement qu’à ceux qui ont su mériter sa confiance. « Jeunes hommes de France, qui rêvez plumets, sabres, brillants uniformes, si vous ne sentez pas en vous une flamme secrète, allumée par le flambeau du christianisme, qui vous incline généreusement, affectueusement, vers le cœur des humbles, vos subordonnés, dissipez vos rêves ; vous n’êtes pas créés pour être officiers de France ! Jeunes hommes, passez votre chemin, vous n’avez pas la vocation ! » Lui, il avait la vocation, et il savait se faire adorer de ses soldats, en même temps qu’estimer de ses chefs. En 1876, à vingt-quatre ans, il passait capitaine, et chacun s’accordait à lui prédire un bel avenir.

Tout en s’initiant, dans le plus minutieux détail, aux choses