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première heure, partis à la frontière. Trois semaines plus tard, à la nouvelle des désastres du 6 août, ce fut au tour des élèves de première année, de la « promotion du Rhin. » Affecté au 31e d’infanterie, le sous-lieutenant de Castelnau ne put rejoindre son corps en temps utile, les services de l’arrière étant entièrement désorganisés. Sur ces entrefaites, l’armée de Châlons, dont il devait faire partie, capitulait à Sedan. Peu avant l’investissement de Paris, il recevait l’ordre de se rendre à l’armée de la Loire qui se constituait. La, comme on avait un besoin urgent de cadres, on le nomma d’emblée capitaine, le 27 octobre, au 36e régiment de marche dans l’armée d’Aurelles de Paladine ; et depuis lors, il est engagé dans une longue suite de combats ininterrompus. Sa bravoure, son instinct guerrier, son esprit d’organisation, son action sur le troupier se font vite remarquer de ses chefs, qui lui prouvent leur confiance en le nommant adjudant-major. Et puis, ce fut, sous Chanzy, la « retraite infernale, » et, par ce très dur hiver, les longues marches dans la neige, les nuits d’embuscade, les bivouacs hâtifs et souvent troublés ; et enfin, les 11 et 12 janvier, la grande bataille du Mans, où succombait avec honneur la 2e armée de la Loire. Cette fois, la défaite est irrémédiable. Ces jeunes troupes improvisées refluent en désordre vers Laval. Il faut couvrir leur retraite. Jugé par Jauréguiberry particulièrement solide, le régiment du capitaine de Castelnau fait partie de ces arrière-gardes. Le 14 janvier, il prend part encore au dernier combat qui précéda l’armistice.

L’armistice signé, le 36e régiment de marche est envoyé provisoirement à Châtellerault pour s’y reformer ; puis il est désigné pour faire partie de l’armée de Versailles. Le jeune capitaine participe aux douloureuses opérations contre la Commune, sous les ordres du colonel Davoust d’Auerstaedt, admirable soldat auquel il est attaché comme officier de liaison, et pour lequel il conçoit une affection et une vénération profondes. La belle conduite du colonel et de son régiment leur vaut d’être cités dans un ordre du jour signé du chef du gouvernement provisoire. Mais toutes ces satisfactions d’amour-propre ne sauraient atténuer l’impression de profonde tristesse que laissent au futur général les tragiques événements auxquels il vient d’assister. Le deuil de la patrie violée, mutilée, déchirée par des discordes intestines, en assombrissant sa jeunesse, lui