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méridionale. Ces traits ne sont pas inutiles à noter. Presque toujours les grandes vies et les grandes œuvres sont l’attribut des « âmes d’un seul paysage. »

C’est dans ce milieu simple, laborieux, profondément chrétien, aux mœurs patriarcales, que naquit, le soir de Noël de l’année 1851, le futur général. Il était le troisième fils du marquis Michel. Les deux aines, Léonce et Clément, firent d’excellentes études : le premier fut magistrat, puis avocat et enfin député de l’Aveyron et président de l’Action libérale ; le second entra à l’Ecole polytechnique, fut un brillant ingénieur en chef des mines, puis un remarquable capitaine d’industrie ; on l’avait surnommé « le premier mineur de France ; » tous deux sont morts avant la guerre. Leur frère Edouard, très différent d’eux, était surtout attiré par la vie d’action. Remuant, batailleur, avide de jeux et d’exercices physiques, il voulait être marin ou soldat. Ses études achevées au collège des Jésuites de sa ville natale, il va les compléter à Paris, son baccalauréat ès sciences passé, à l’Ecole préparatoire de la rue des Postes. Au mois d’octobre 1869, il entre à Saint-Cyr dans un très bon rang. Il a dix-huit ans. Au collège, au foyer familial surtout, il a reçu une forte trempe intellectuelle, morale et religieuse : les grandes « directives » de sa vie sont arrêtées. A travers les grilles de son internat parisien, il a entrevu l’étincelant Paris de la fin du second Empire ; il a nettement senti la place éminente et enviée que la France occupait alors dans le monde, et de cette radieuse vision il lui est resté dans l’âme une nostalgie que rien, sauf la victoire finale de nos armes, n’a pu dissiper. Avant de subir une douloureuse éclipse, il semblait que le génie français jetât quelques-uns de ses plus beaux feux.

Moins d’un an après, la guerre éclatait. La jeunesse est la jeunesse, et l’on ne doutait point de la victoire à Saint-Cyr. Il semble pourtant que le jeune saint-cyrien, avec cette fermeté de bon sens réaliste qui l’a toujours caractérisé, n’ait point partagé toutes les illusions de ses camarades. « En 1870, devait-il dire plus tard, j’ai été le témoin d’une autre mobilisation, improvisée dans une atmosphère de désordre, de cohue avinée et braillarde. Les cœurs se serraient au spectacle de ces agitations, de ces exaltations maladives, artificiellement entretenues. » La leçon, en tout cas, ne sera pas perdue.

Les aînés, nommés d’office sous-lieutenants, étaient, dès la