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général, M. Saint. Mais chose singulière : alors que ces manœuvres anti-françaises se développent sous des formes identiques dans nos trois colonies de l’Afrique du Nord, nous nous obstinons à maintenir entre elles une sorte de cloisonnement. Je ne prétends pas que des distinctions ne soient point, dans une certaine mesure, nécessaires. Les trois pays ont chacun des traditions particulières et une structure spéciale. Il serait prématuré de vouloir les unifier, et il serait plus dangereux encore de chercher cette unification dans la généralisation des méthodes algériennes, qui ne pourraient être sans péril étendues au Maroc et à la Tunisie. Mais, sans aller jusqu’à une fusion qui est tout à fait contre-indiquée, ne pourrait-on faire en sorte que les trois colonies se connussent un peu mieux ? Pensez que, tout récemment encore, aucune ligne téléphonique ne reliait l’Algérie et la Tunisie ; il suffisait, pour l’établir, d’un raccordement de quelques centaines de mètres, mais comme il fallait que le travail fût exécuté sur deux territoires, on attendait qu’un dieu inconnu consentît à s’en charger. Ce dieu est apparu en la personne d’un membre très actif du conseil général de Constantine. Sans lui, un bolchéviste aurait pu passer la frontière des deux colonies, sans qu’un coup de téléphone du résident général avertît le Gouverneur, ou réciproquement.

Si nous voulons à la fois protéger nos colons français dans leurs entreprises et maintenir notre prestige dans le monde de l’Islam, nous devons, de toute évidence, sans aller jusqu’à l’identification des procédés administratifs, avoir une politique africaine et établir une certaine communauté de vues dans la gestion de nos trois colonies. Il y a en Algérie environ sept cent mille Européens de nationalités diverses, en face de cinq millions de Musulmans. Depuis la nouvelle législation, on compte quatre cent vingt et un mille électeurs indigènes, contre cent quarante mille électeurs français, et le premier groupe est appelé à se développer plus rapidement que le second. Sans une collaboration confiante entre les Musulmans et les colons, l’équilibre ne tarderait pas à se rompre, aux dépens, d’ailleurs, des uns comme des autres.

Mais, pour assurer cette collaboration, il est indispensable que le Gouvernement général n’attende pas constamment, de la métropole, des suggestions qui, le plus souvent, n’arrivent pas, et qui, lorsqu’elles arrivent, ne sont pas toujours opportunes. Sans doute, serait-il utile de réorganiser et de rajeunir les services d’Alger ; le mécanisme paraît un peu rouillé. Le bureau de l’Algérie au ministère de l’Intérieur