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que la métropole se rejetât dans la politique des rattachements, qui faisait dépendre toutes les administrations algériennes des bureaux parisiens et qui paralysait ainsi toutes les initiatives locales. Lorsque M. Jules Cambon fut chargé de gouverner l’Algérie, il mesura tous les dangers de cette centralisation excessive et il s’efforça de remonter un courant qui entraînait notre colonie à sa perte. M. Jules Cambon fut grandement aidé dans sa courageuse entreprise par la haute autorité de Jules Ferry. On se rappelle que dans les dernières années de sa vie, et avant d’être appelé à la présidence du Sénat, l’illustre homme d’État avait dirigé les travaux de la commission sénatoriale de l’Algérie. Il avait fait preuve, dans ces fonctions délicates, d’une remarquable largeur de vues et d’une merveilleuse rectitude de jugement. Sous ses auspices avait été inaugurée cette politique de sagesse et de bon sens, qui est restée également éloignée de l’exagération de l’autonomie et de l’outrance de l’assimilation. On a compris qu’il fallait se défier, en Algérie, des formules trop tranchantes, que la colonie ne pouvait être, ni entièrement fondue dans la métropole, ni soumise à un régime tout à fait distinct, qu’elle était, sans doute, trop différente de la France pour être traitée comme les départements français, mais que, d’autre part, elle était trop voisine de la mère patrie, qu’elle avait une position trop importante dans la Méditerranée et dans notre empire africain pour pouvoir vivre d’une vie indépendante, à l’exemple des Dominions britanniques.

Cette politique, toute en nuances, réclame beaucoup de tact et ne peut aller sans d’infinies précautions. Les problèmes les plus variés, économiques, administratifs, financiers, les questions les plus embarrassantes de politique indigène, se posent sans cesse devant la conscience du gouverneur général ; et quand, par surcroît, il survient, comme récemment, des menaces de disette ou des épidémies de typhus, les lenteurs administratives ont tôt fait d’aigrir les esprits. Ajoutez à cela la première application de la loi de 1919 sur l’accession des indigènes aux droits politiques. Ajoutez-y surtout les intrigues bolchévistes, qui ont pénétré, via Berlin, dans toutes nos possessions africaines, pendant que nous restions assis, comme je le disais tout à l’heure, sur le talus de la route. La propagande soviétique ne s’est pas, en effet, exercée seulement à Angora ; elle a retenti dans tout le monde islamique, et il ne servirait à rien de dissimuler qu’elle a momentanément troublé la Tunisie, qui est, par bonheur ; en passe de se ressaisir, grâce à l’habile direction du résident